Festival international des Arts de Bordeaux Métropole, FAB 2025, Reportage, Bordeaux Métropole

Croire-aux-fauves-Les arts oseurs © kalimba

S’enforester avec le FAB

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Embarquement immédiat pour Bordeaux : nous allons habiter la ville, suivre le fleuve est ses affluents et nous « enforester ». Tourné vers la création internationale, le Festival international des Arts de Bordeaux Métropole (FAB), qui fête ses 10 ans, continue d’inventer de nouvelles géographies, poétiques et sensibles, dans les espaces publics naturels et urbains. Jusqu’au 11 octobre, la trentaine de propositions irrigue la Métropole. En voici une sélection.

Manifestation collaborative par essence, le FAB est organisé par l’association FAB, la Scène nationale Carré-Colonnes, ainsi qu’une cinquantaine de partenaires de la métropole bordelaise. En une décennie, il s’est forgé une identité à la fois audacieuse et populaire, avec des grands évènements en espace public : « Créations partagées, nuits renversées, lieux publics transformés : le festival ouvre de nouveaux chemins et bouscule les évidences. Il est devenu un rendez-vous incontournable, rassemblant près de 100.000 spectateur·rices chaque année autour des formes artistiques les plus vivantes et les plus libres », écrit Sylvie Violan, directrice et fondatrice du FAB, directrice de la Scène nationale Carré-Colonnes.

Une fenêtre ouverte sur le monde

Au programme de cette édition anniversaire : 29 spectacles et expositions, dont 10 créations ou recréations, 4 premières françaises et 70 % de représentations gratuites. Le FAB fait la part belle aux démarches hybrides ou inclassables et invite les artistes à porter un regard acéré sur les transitions actuelles, avec de nombreuses commandes. Il offre une vitrine de la scène artistique internationale. Cette année, Joan Català, Pol Jiménee et le collectif Kamchàtka représentent la Catalogne.

Collectif Kamchàtka © Aaron J. Law ; « Gathering » © Sarah Dhobhany

Ce dernier propose différents temps forts tout le long du festival. Entre théâtre d’improvisation et poésie de l’absurde, il explore le thème des migrations, de l’accueil, à travers 4 spectacles et performances à différents endroits. Évidemment, des épopées avec valises, métaphores du monde.

La première française de Gathering de la chorégraphe américano-palestinienne Samar Haddad King crée l’évènement, un célébration de la résilience d’un peuple : « Dans un monde ébranlé, le FAB réaffirme sa solidarité avec les artistes palestinien·nes, avec lesquel·les nous tissons des liens de confiance et de courage », souligne Sylvie Violan.

Habiter la ville

Le FAB abolit les frontières, défriche, ouvre des nouvelles pistes, incite à regarder la ville différemment. Ainsi, le collectif XY (cirque), à qui est confiée une autre carte blanche, épousera-t-il le paysage de façon singulière. Au gré de leurs déambulations, les 18 acrobates vont effectivement créer des impromptus, des œuvres collectives éphémères et fragiles fondées sur la solidarité : « une architecture corporelle à géométrie variable, comme un défi à la gravité du monde ». Il se concentrera sur les portés, geste universel, puisque chacun de nous a déjà été porté, ne serait-ce qu’à notre naissance . Alors, ouvrons grand les yeux ! Au hasard d’une rue, depuis un balcon, au détour d’une place, laissons-nous surprendre, et peut-être portés, par ces artistes à la rencontre des habitant·es dans leur quotidien.

Collectif XY © Samuel Buton ; « Heavy Motors » © Vinny Streetlayers

On n’est pas non plus au bout de nos surprises avec Heavy Motors. La Société Protectrice de Petites Idées conjugue jeu, cirque et effets spéciaux de haute qualité… artisanale. Trois individus se rendent à une convention Tuning. Pour dévoiler au public ce que leur voiture sans permis a dans le ventre, ils jouent de façon décalée avec les codes du rap et réalisent de l’acrobatie presque impressionnante. Ils sont complètement barrés. Un spectacle débordant d’énergie et hilarant (lire notre reportage au Chainon Manquant).

Suivre le fleuve et ses affluents

La ville est donc un terrain de jeu où les artistes dialoguent avec la population et accompagnent les mutations urbaines et sociétales. En suivant le fleuve, le FAB propose l’exploration sensible des espaces naturels liés à l’eau. Contre l’éco-anxiété, l’Agence Plouf va s’efforcer, dans À l’eau, la Terre ?, d’endiguer les angoisses qui nous submergent et nous éviter de sombrer. Spécialisée dans l’habitat flottant, cette branche de L’Agence nationale de psychanalyse urbaine regroupe « un collectif de chercheur·euses, de scientifiques et de psychanalystes de comptoir, toutes et tous animé·es par un sens de l’humour un peu particulier, qu’on peut considérer avec le recul comme une sorte de soupape permettant de mieux supporter une conscience accrue de notre impact désastreux sur le monde ».

« Pelat » © Angels

Mais quoi de mieux qu’un rituel inspiré des fêtes catalanes ? Avec Pelat, Joan Català nous convie à faire cercle au cœur des allées, là où les chemins se croisent, afin d’ouvrir ensemble de nouvelles perspectives. Une expérience unique, où chaque geste compte, à partir d’un simple poteau de bois à partager dans un élan collectif (lire la critique).

S’enforester

Le FAB déploie une nouvelle ligne artistique en résonance avec le projet urbanistique et philosophique de « Ville-Forêt », porté par Saint-Médarden-Jalles, rare commune à avoir une forêt de feuillus en son centre, récemment élue meilleure commune de France pour la biodiversité. Le FAB présente une programmation de spectacles 100 % en forêt afin de découvrir le Parc du Bourdieu ouvert depuis un an au public : 24 hectares de nature brute, où poussent de nombreuses essences rares : « Si l’art est politique, il est aussi écologique, organique, enraciné », déclare Sylvie Violan. De quoi insuffler de la poésie dans le quotidien et reconnecter les habitant·es avec la nature.

« Alter », Collectif Kamchàtka © Sonia Nieto

On pourra y suivre des déambulations nocturnes. Performance théâtrale atypique en noir et blanc, Alter (Kamchàtka) évoque la mémoire et l’exil dans une marche, dans la forêt, aux frontières de l’absurde. Au creux de la nuit, ravivée par la chaleur humaine, la déambulation se fera farandole (mention spéciale au meilleur spectacle, Festival international de théâtre et arts de la rue de Valladolid, 2023 ; nominé au Prix de la Critique 2022 et gagnant du Prix MAX 2022 « Meilleur spectacle de rue »). Une ode à l’altérité (lire la critique de Stéphanie Ruffier).

De son séjour aux confins de la Sibérie, l’anthropologue Nastassja Martin, a conservé une cicatrice indélébile. Le récit qu’elle fait de sa rencontre avec un ours est un texte intime puissant aux allures de conte initiatique : Croire aux fauves (Les Arts Oseurs). Il faut l’imaginer, raconté dehors, la nuit, marchant en forêt, les repères brouillés, les sens en éveil : « Pour moi, s’enforester, ce n’est pas aller se balader en forêt, mais passer la porte d’un monde qui est habité par d’autres vivants que nous », explique Périne Faivre.

« RoZéo » © Susy Lagrange

Gratte Ciel aime les places (lire les critiques de Place des Anges et de Fuego). Outre celle de la Bourse, à Bordeaux, il sera également possible de voir RoZéO dans le Parc de Bourdieu à Saint-Médard (lire la critique). L’expérience sera différente : au cœur de la ville, à l’orée de la forêt… On se laisse volontiers bercer par le mouvement de ces drôles de girouettes.

Audace, exigence et proximité

Ces cheminements sont autant de pas de côté, pour qu’au détour d’une rue, d’un cours d’eau ou dans un bois, la surprise soit au rendez-vous, que chacun·e puisse vivre une expérience artistique, sensible et poétique : « Le FAB continue de croire que l’art peut, non seulement inventer et inviter des mondes, mais aussi transformer le monde », estime Sylvie Violan.

© Erik Damiano

Décaler notre regard et pourquoi pas transformer le théâtre, c’est également le projet d’Avignon une école, une traversée vivifiante des 70 éditions du Festival d’Avignon grâce au collage astucieux de Fanny de Chaillé, porté par l’enthousiasme contagieux de jeunes acteur·rices issu·es de la Haute école des arts de la scène de Lausanne en Suisse (lire la critique). Si les faits historiques sont immuables, on peut éveiller l’esprit critique.

Et parce qu’il n’y a pas d’anniversaire sans bougies, la fête de clôture du FAB proposera l’Embrasement de la Caserne des pompiers de la Benauge, en guise de point d’orgue. Mais commençons par le week-end d’ouverture, entre ciel et terre (lire le reportage). Sensibiliser au Vivant et à l’altérité, soigner et penser demain : quel beau programme !

Léna Martinelli


Du27 septembre au 11 octobre 2025
Site du festival
Co-organisé par la Scène nationale Carré-Colonnes et l’association Festival des Arts de Bordeaux
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Toute la programmation
Infos pratiques
Réservations : en ligne mail • tel. : 06 63 80 01 48
Tarifs préférentiels sur de nombreux spectacles avec le pass FABADDICT à 5 €

Photo de une : « Croire aux fauves », Les Arts Oseurs © Kalimba

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