La danse intense Fouad Boussouf
Après le succès considérable de Nass, où un chœur d’hommes était propulsé dans une danse intense et acrobatique, Fouad Boussouf a souhaité présenter son pendant féminin. Prompt à mêler les styles, il fait dialoguer le hip-hop, d’où il vient, avec les vocabulaires contemporain et jazz, mais aussi avec les danses d’Afrique du Nord. C’est sa terre natale, le Maroc, qui lui a inspiré ce vibrant hommage aux femmes : « Je n’ai jamais vu ma mère dormir », témoigne le chorégraphe.
La force, la générosité, elle se traduit en actes. D’abord, la marche lente et cadencée du début renvoie à des rythmes traditionnels. Puis, la chorégraphie évolue, avec un mouvement qui s’accélère et surtout s’anime, autour d’un feu imaginaire, matérialisé par un tapis de cendres. Telles des flammèches, les individualités s’affirment et font corps, toutefois sans aucun contact entre elles. Les danseuses s’émancipent également, voire transgressent. Par instant, le défi frise la révolte. Quand le cercle se reforme à la fin, c’est une fête de l’âme et des corps. Libre et sauvage. Intime et collective.
Du cercle primitif au foyer rassurant : un espace habité
Le titre tient sa promesse : les danseuses embrasent la scène de leur pas ardents. Ça crépite. Vêtues de tuniques amples aux tons ocre, cheveux déliés, elles nous transportent dans une transe. De façon exubérante, elles soufflent, crient, halètent, bouillent de l’intérieur, explosent et rejaillissent encore à chaque élan, soutenues par le martèlement des percussions. Pendant une heure, cette danse tellurique sensuelle éblouit et réchauffe les cœurs. C’est un tour de force. Quelle exigence dans les tensions et le lâcher prise !
L’écriture de Fouad Boussouf se fonde sur la spontanéité du geste et le mouvement continu, en prise directe avec la réalité. Les quatre éléments sont exploités pour signifier ancrage, mysticisme, adaptations. Le flux, la musique obsédante, l’espace à 360 degrés sublimé par des lumières chatoyantes, concurrent à la dynamique de l’ensemble. Ce feu de joie nous transmet vitalité et foi en un monde meilleur, car s’il est ravageur, il purifie, aussi, et rassemble. Il élève les esprits.
Outre l’hybridité, l’énergie du groupe est l’autre marque de fabrique de son style, celle qui galvanise. D’ailleurs, le directeur du Phare CCN du Havre Normandie, qu’il fait rayonner depuis son arrivée en 2022, enchaîne les projets d’envergure. Après la commande de Sidi Larbi Cherkaoui pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève, il sera à Chaillot en décembre, avec la reprise de Yës et la création de son dernier opus, Up, un duo entre deux virtuoses (foot freestyle et violon).
Sans oublier que, du 18 novembre au 1er décembre, le festival Plein Phare In au Havre fait l’actualité. Un rendez-vous à l’image de son directeur, attachant, avec toutes les esthétiques représentées.
Léna Martinelli
Fêu, Fouad Boussouf
Avec : Serena Bottet, Filipa Correia Lescuyer, Léa Deschaintres, Rose Edjaga, Lola Lefevre, Fiona Pitz, Charlène Pons, Manon Prapotnich, Valentina Rigo, Justine Tourillon
Musique : François Caffenne
Théâtre des Quartiers d’Ivry CDN • La Fabrique – Salle Adel Hakim • 94200 Ivry-sur-Seine
Du 10 au 12 octobre 2025
Tarifs : de 7 € à 24 €
Réservations : en ligne • Tel. : 01 43 90 11 11
Tournée ici :
• Le 5 décembre, La Caravelle, avec La Manufacture CDCN Nouvelle-Aquitaine, à Marcheprime (33)
• Le 3 février 2026, Théâtre Scènes de Territoire, à Bressuire (79)
• Le 5 février, Théâtre Edwige Feuillère, à Vesoul (70)
• Le 21 mars, Le Channel, scène nationale de Calais (62)
• Du 9 au 10 juin, La Coursive, CCN La Rochelle (17)
Spectacle vu au Théâtre Claude Lévi-Strauss à Paris, dans le cadre de la Carte blanche à Fouad Boussouf au musée du quai Branly Jacques Chirac, les 17 et 18 mai, 24 et 25 mai 2025
Photos : © Christophe Raynaud de Lage
