« Il était une fois… une petite Cenerentola », de Gioachino Rossini, l’Espal, Le Mans

« Une petite Cenerentola » © D.R.

Un concentré de charme et d’énergie

Céline Doukhan
Les Trois Coups

« Il était une fois… une petite Cenerentola » est un bijou d’adaptation qui pétille d’humour et d’intelligence et donne furieusement envie d’aller (ré)écouter l’œuvre originale de Rossini.

Les premières minutes d’Il était une fois… une petite Cenerentola laissent perplexe : seule en scène, Cendrillon entonne un air en italien sans surtitrage. On s’inquiète, on doute, on râlerait presque : comment donc, un spectacle en langue étrangère, de surcroît destiné au jeune public, et voilà qu’on planterait là les spectateurs dans l’ignorance, désemparés face à un texte inintelligible, presque abandonnés ?

Cette première impression, la metteuse en scène Sandrine Anglade la déjoue fort habilement. De surtitres, il n’y aura point ; en revanche, de brèves interventions parlées des chanteurs ponctuent le spectacle pour dire les ressorts essentiels de l’histoire. Pour le reste ? En avant la musique ! Car on est tout de suite emporté par le tourbillon fantaisiste composé par Rossini. Des airs irrésistibles, gais, enlevés, superbement interprétés, qui font tout oublier. À commencer par les éternuements, quintes de toux fracassantes et autres produits de l’addition périlleuse hiver + jeune public – parfois trop jeune d’ailleurs : « à partir de 9 ans », pas 5 ou 6 ! Parents, n’emmenez pas vos enfants au spectacle quand leur état de santé risque de gâcher leur plaisir et celui d’au moins une bonne douzaine de spectateurs… Comble de l’incivilité : une désolante photo au flash. Qui ne venait pas d’un enfant, celle-là !

Quoi qu’il en soit, les interprètes tiennent fermement la barre et nous régalent sur tous les plans. Certes, au début, le piano de Nicolas Kaïtasov a tendance à couvrir les voix, mais ce léger déséquilibre est vite corrigé. Tous les chanteurs brillent par leur fantaisie discrète et leurs qualités vocales combinées à une vraie réussite dans la comédie. C’est ainsi que Fernand Bernadi campe avec un flegme pince-sans-rire le père de Cendrillon ; que Fabrice Alibert s’empare avec malice du rôle de Dandini, le valet qui prend la place de son maître ; ou encore que Cécile Coulomb et Mélanie Moussay composent un tandem de sœurs des plus comiques, la première excellant dans le registre pimbêche-revêche. Quant à Gaëlle Mallada, elle est une Cendrillon tout feu tout flamme, toujours rayonnante dans sa pauvre robe grise. Avec Nicolas Rether, ils forment un couple charmant mais pas nunuche. Tous doivent être félicités pour la qualité de leur chant à l’articulation précise mais au timbre moelleux, et Cendrillon n’est pas effrayée par des vocalises peut-être encore plus redoutables que ses deux belles-sœurs.

Et les fameux surtitres, alors ? On les a oubliés depuis belle lurette. On se contente avec bonheur de suivre le fil bondissant de la musique, aidé par l’expressivité des chanteurs et une intrigue il est vrai bien connue. Quoique… Marivaux et Mozart sont visiblement passés par là. Comment ne pas songer au premier quand, prince et valet ayant échangé leurs habits, Cendrillon s’éprend du faux valet ? Le valet étant au bout du compte, lui, rejeté par les deux sœurs confuses d’avoir à tout prix cherché à séduire le faux prince… Quant à la fin, elle rappelle celle des Noces de Figaro : ici, ce n’est pas la comtesse, mais bel et bien Cendrillon qui réconcilie tout le monde dans un brillant septuor.

Dans cette Cenerentola sans pantoufle ni carrosse, la magie est bien celle de la musique qui, à elle seule, enchante les spectateurs. Avec Sandrine Anglade dans le rôle de la bonne fée, qui tient ce pari à la fois tout simple et audacieux. 

Céline Doukhan


Il était une fois… une petite Cenerentola, de Gioachino Rossini

Livret de Jacopo Ferretti, d’après Charles Perrault

Ouvrage chanté en italien

Mise en scène : Sandrine Anglade

Directeur musical, pianiste et chef de chant : Nicolas Kaïtasov

Collaboration artistique et mouvements : Pascaline Verrier

Assistante à la mise en scène : Sophie Robin

Avec : Gaëlle Mallada, Cécile Coulomb, Mélanie Moussay, Aurélien Pernay, Nicolas Rether, Fernand Bernadi, Fabrice Alibert

Création costumes : Nadia Genez

Réalisation costumes : Nadia Genez et Sylvie Ryser

Réalisation décor : Fabrice Triponney et Michel Petit

Régisseur de tournée : Philippe Breton

L’Espal • 60-62, rue de l’Estérel • 72058 Le Mans cedex 2

www.quinconces-espal.com

Réservations : 02 43 50 21 50

Le 7 février 2015 à 18 heures

Durée : 1 heure

35 € (forfait pour les deux spectacles de la journée dans le cadre du festival Les Nuits de la voix)

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