Magali Rousseau,
poète ferrailleur
par Céline Doukhan
Les Trois Coups
Créatrice d’objets scéniques en tout genre, Magali Rousseau signe un court spectacle insolite et poétique.
Dès le début, les spectateurs sont invités à laisser sacs et manteaux sur leur chaise, pour aller suivre Magali Rousseau dans ses déambulations : commencement insolite pour un spectacle qui ne l’est pas moins. Puis, dans l’obscurité, la jeune femme nous fait entrer dans son monde étrange peuplé de machines minuscules, de poissons qui semblent flotter en l’air dans leur bocal, d’ombres portées mouvantes et délicates.
Autant dire qu’on est vite dépaysé, littéralement transporté dans un micro-univers à part. Celui d’une petite fille qui rêve de voler, gamine pleine d’imagination devenue jeune femme vêtue d’une courte robe, de bottines et d’un amusant harnachement d’aviateur en herbe, lunettes rétro vissées sur le crâne.
Les inventions de Magali Rousseau, qui a déjà œuvré sur des créations de la compagnie Les Anges au plafond 1, expriment à merveille cette quête brinquebalante. Il s’agit la plupart du temps de modestes machines faites de pièces métalliques, actionnées par un petit moteur électrique, ou bien par les seules lois de l’équilibre. Mais cette émule de Géo Trouvetou fait feu de tout bois, ou plutôt de tout matériau. Par exemple lorsque, au tout début, une bougie, mise en branle par une petite manivelle, projette l’ombre d’un fil métallique biscornu qui, mot par mot, forme une vraie phrase. Une magnifique trouvaille.
Magali Rousseau conçoit elle-même tous ces dispositifs qui, n’avançant pas toujours très droit ou, parfois, au bord de l’essoufflement, sont à la fois cocasses et fragiles. D’autant plus que le ton est tendre et teinté d’humour, comme dans ce portrait de famille brossé par la fillette à l’aide d’un morceau de craie et d’un plateau en ardoise.
On peut juste reprocher à ce spectacle délicieux quelques longueurs (notamment lors d’une séquence dans laquelle deux récipients se meuvent en cercle par la seule force de la vapeur, crachotant de l’eau sur leur passage) et aussi une écriture encore fragile : la succession des machines merveilleuses a un petit côté concours Lépine. À l’image de son personnage dont les ailes doivent encore se muscler, c’est le spectacle lui-même qui pourrait gagner en chair et en intensité, d’autant plus qu’il ne dure qu’une bonne demi-heure.
Il faut par ailleurs saluer les interventions réussies de Julien Joubert, à la fois pour les lumières, mais aussi à la clarinette. Sa musique contribue précisément à humaniser davantage le parcours au milieu des objets. À l’aide d’un petit sampleur, le musicien crée un univers sonore insolite et sensuel qui fait parfaitement écho aux grincements comico-pathétiques de ces touchantes mécaniques. ¶
Céline Doukhan
Je brasse de l’air, de Magali Rousseau
Sous l’aile de la compagnie Les Anges au plafond
Conception, écriture, construction et interprétation : Magali Rousseau
Clarinette, son et lumière : Julien Joubert
Mise en scène : Camille Trouvé
Travail corporel : Marzia Gambardella
Regard extérieur : Yvan Corbineau
Photo du spectacle : Jordi Bover
Théâtre des Quinconces • place des Jacobins • 72000 Le Mans
Réservations : 02 43 50 21 50
Le 4 mai 2015 à 19 heures et 20 h 30, le 5 mai à 19 heures, le 6 mai à 17 heures et 19 heures, le 7 mai à 19 heures et 20 h 30
Durée : 30 minutes
Gratuit