« Je me souviens », de Jérôme Rouger, le Lucernaire à Paris

« Je me souviens » © Cédric Ridouard

Un spectacle
comme un cadeau

Par Laurie Thinot
Les Trois Coups

Théâtre Lucernaire, salle Paradis, Jérôme Rouger se dévoile. En prévision de l’anniversaire de la mort de Georges Perec, dans quatre ans, il écrit des « petits morceaux de quotidien » commençant par « Je me souviens ». Il se souvient, nous nous souvenons avec lui.

Un ordinateur portable au centre de la scène, un écran sur lequel on projette des images, et Jérôme Rouger, seul, tout de noir vêtu, qui prend en photo le public. Arroseurs arrosés, nous restons cois, intrigués. Les premiers rires fusent. Silence, ça commence, mais pas par la voix : par l’écrit. Jérôme Rouger tape sur son ordinateur des phrases que nous lisons, projetées sur l’écran. Un dialogue muet se dessine entre le public, cet écran et le comédien. Ce procédé permet de dire ou de faire quelque chose, tout en l’illustrant sur l’écran de façon décalée, apportant des dessous insoupçonnés au texte.

« Je me souviens… », la première phrase est dite. Les souvenirs sont universels, chacun en a. Jérôme Rouger, lui, puise les siens à Terves, dans les Deux-Sèvres. Son écriture est simple et directe. Elle transmet avec simplicité les bribes d’un univers. Les morceaux de vie sont associés sans souci de fil conducteur, rythmant le spectacle à coups de « Je me souviens », déplacements, images et séquences musicales répétitives. Jolies anaphores…

Au détour des mots se succèdent les visages. La galerie de portraits rappelle des gens et des situations déjà croisés : juste et drôle, en plus d’être vrai. C’est à se demander qui nous sommes, au fond, puisqu’on se reconnaît partout. Apparemment, tous fait du même bois, nous rions quand il parle du devoir d’enfant, imposé, d’embrasser des joues qu’il préférerait éviter, propos appuyé par une photo de croupe de vache.

Mon œil, un peu trop graphiste, n’a pu s’empêcher de tiquer à la vue de certaines photos amateurs. J’ai cependant vite oublié ce détail, car elles sont absolument cohérentes avec le propos. La mise en scène de Jean‑Pierre Mesnard a lié le tout avec précision. Certains personnages, comme celui du père, par exemple, sont à chaque fois évoqués au même endroit de la scène. Avec un travail de lumière lui aussi précis, notre œil peut voyager familièrement dans ce monde dès les premiers instants.

Quand le mot fin apparaît sur l’écran, on a passé un bon moment. Touchés, oui. Jérôme Rouger et son univers sont attachants, ils nous rappellent ou nous renvoient si bien au nôtre. Quoi de plus beau que de tenter d’extraire de soi une quintessence, de l’articuler, et de la polir jusqu’à l’offrir, encore palpitante de fragilité ? Un spectacle comme un cadeau, humble, juste et plein d’autodérision : une belle façon de se rappeler sa propre humanité. 

Laurie Thinot


Je me souviens, de Jérôme Rouger

Cie La Martingale • 7, rue de la Citadelle • 79200 Parthenay

05 49 94 32 19

martingale@cc-parthenay.fr

http://www.lamartingale.com/

Mise en scène : Jean-Pierre Mesnard

Avec : Jérôme Rouger

Création lumière : Cédric Ridouard

Réalisation bande-son : Laurent Baraton

Photo : © Cédric Ridouard

Le Lucernaire • 53, rue Notre-Dame-des-Champs • 75006 Paris

Réservations : 01 45 44 57 34

Du 4 mars au 25 avril 2009, du mardi au samedi à 19 heures, relâche le 16 mars 2009

Durée : 1 heure

15 €

À propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Du coup, vous aimerez aussi...

Pour en découvrir plus
Catégories