« Jefferson », compagnies Mélimélo Fabrique et Expression 7, Théâtre Expression 7, Limoges

Jefferson-cies-Mélimélo-Fabrique-et-Expression-7 © DR

Jefferson ou lard de la joie !

Par Laura Plas
Les Trois Coups

Céder aux vertiges de l’aventure, ne renoncer ni à la fantaisie ni à la candeur, tel est le pari que relève « Jefferson », l’adaptation du roman de J.C Mourlevat signée par les cies Mélimélo Fabrique et Expression 7. Un trio de comédiens, fous comme des enfants, la portent avec une joie contagieuse.

Bientôt, les hérissons ne peupleront plus que les livres. Leurs museaux pointus que l’on découvrait au fond des jardins appartiendront à la légende. Les humains auront eu leurs peaux. Alors, on relira les aventures de Jefferson, le sympathique hérisson créé par Jean-Claude Mourlevat avec un pincement au cœur. Si notre mélancolique réflexion n’est pas au centre de la proposition, elle y affleure pourtant.

Car non seulement Jefferson manque de se faire écraser par d’infâmes chauffards, mais il est entraîné dans une enquête trépidante sur la piste d’infâmes humains qui officient à la solde d’abattoirs. Or, rebondissements multiples, travestissements et happy-end ne peuvent faire totalement oublier la description du calvaire des animaux que fait Gilbert, le cochon ami de Jefferson.

L’aventure, c’est l’aventure

Cependant, Jefferson est avant tout une œuvre foisonnante où l’on sent la joie de jouer : jouer avec le genre policier et avec les situations les plus farfelues. L’empire du livre est infini. Son adaptation comme la mise en scène se mettent au diapason. De fait, les tableaux s’enchaînent tambour battant. Une scénographie inventive nous fait passer d’un lieu à un autre. Parfois seuls les mots nous invitent à sauter à pieds joints dans une nouvelle péripétie. Par ailleurs, si jeu et narrations alternent, la musique s’invite à son tour : accompagnements ou ponctuations toujours proposés fort à propos. C’est vertigineux, mais une narratrice souvent remet un peu d’ordre dans cette riche matière.

Joueurs, les trois comédiens le sont comme les enfants auxquels ils s’adressent : avec fougue, liesse et sans jamais devoir s’épuiser. Ils donnent l’impression de se délecter de leurs défroques d’animaux. Si François Levé campe un Jefferson très nuancé et propre à créer une identification, le jeu de Philippe Labonne fait ainsi songer aux animés et Nadine Béchade, survoltée, changeant de personnages plus vite que Lucky Luke ne tire, a une énergie presque surnaturelle. Elle est tour à tour la bien aimée, et deux méchants à la fois (trouvailles d’une vidéo ingénieuse), une vieille dame et une militante de la cause animale… Sans compter un bus de vingt-sept animaux bien décidés à régler leur compte en une épique bataille aux horribles humains. Belle gageure de comédienne et amusant moyen d’évoquer les pouvoirs infinis de la scène.

La scène comme la page

Car si la pièce évoque sans s’appesantir la souffrance animale, à coup sûr, elle révèle que les pouvoirs du théâtre n’ont rien à envier à ceux du récit. Ainsi, la scénographie de François Levé fait-elle penser aux pages blanches que l’on tourne avidement. Comme la page suivante nous attend palpitants, sur le plateau, la scénographie regorge de surprises. Comme le livre nous propulse miraculeusement dans d’autres mondes, nous prenons pieds aux pays des animaux. Et comme les signes noirs sur une page font surgir des images, nous parvenons à imaginer ce qu’on ne nous montre pas. Une belle invitation à la lecture et au théâtre pour un jeune public. 🔴

Laura Plas


Jefferson, de Mélimélo Fabrique et Théâtre Expression 7

Le texte est édité chez Gallimard Jeunesse
Compagnie Mélimélo Fabrique et Théâtre Expression 7
Adaptation et mise en scène : Philippe Labonne et François Levé
Avec : Nadine Béchade, Clément Fonteniaud, Philippe Labonne, François Levé
Musique : Clément Fonteniaud et Philippe Labonne
Régie : Clément Fonteniaud
Durée : 1 h 20
Dès 9 ans

Théâtre Expression 7 • 20, rue de La Réforme • Limoges
Du 13 au 16 décembre 2022
De 8 € à 15 €
Réservations : 05 55 77 37 50

À découvrir sur Les Trois Coups :
Portrait de Nadine Béchade, par Vincent Cambier
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