« le Misanthrope », de Molière, collège de La Salle à Avignon

Salle de spectacle

« Vouloir la vérité
à ce point, c’est vouloir mourir. »

Par Vincent Cambier
Les Trois Coups

« Le Misanthrope » de la Passerelle : la comédie sociale a encore de beaux jours devant elle.

Bien sûr… Bien sûr, vous connaissez le Misanthrope de Molière. Bien sûr, vous l’avez étudié à l’école. Bien sûr, vous savez qu’Alceste a choisi d’être sincère et sérieux dans un monde plein de fourberie, de frivolité. Un monde où l’homme est un loup pour l’homme, un monde qui est un vrai « coupe-gorge ». Bien sûr…

Mais savez-vous vraiment que c’est vous que Molière prend pour cible ? Savez-vous que les acteurs, cette fois-ci, vous regardent ? Savez-vous que vous n’êtes pas toujours beaux à voir ? Savez-vous que, dans notre monde de frime, de faux-semblants, de fric, vous jouez (presque ?) toujours le jeu. Ce jeu que, précisément, Alceste refuse de jouer. Savez-vous vraiment que vous jouez avec le feu ? Le feu de votre âme.

Mais, alors, devez-vous corriger le monde ? Devez-vous vous corriger ? Et comment le faire ? « Vouloir la vérité à ce point, c’est vouloir mourir », tranche Michel Bruzat. Le seul devoir, c’est de vivre.

Les pièces de Molière ne sont réellement belles et efficaces que si la mise en scène et le jeu d’acteurs sont modernes. Je veux dire s’ils s’adressent directement à nous, ici et maintenant.

C’est le cas dans ce Misanthrope. Michel Bruzat, fracasseur de consciences, nous offre sur un plateau scintillant un spectacle brillant, baroque, troublant, gorgé d’humour et tétanisant.

Quant à la distribution, elle ne comporte pas une seule faute de goût. Mais je veux citer mes préférés. Philippe Labonne, acteur racé, réussit à m’étonner encore, et compose un Alceste d’anthologie, mon semblable, mon frère. Celui qui me perce jusques au cœur d’une atteinte infinie. Celui qui se suicide sous vos yeux, sans que vous interveniez…

Marie Thomas, a priori inattendue dans le rôle de Célimène, interprète une femme-papillon qui frôle ses amants et ses spectateurs de ses soyeux battements d’elle, qui les touche par sa grâce, les rend incapables de la détester, toisés par son orgueilleuse solitude finale. Au nom de sa liberté de femme.

Denis d’Arcangelo et Jean-Pierre Descheix croquent avec une visible gourmandise de croustillants courtisans. Ils sont irrésistibles !

Jean-Paul Daniel incarne avec une belle sobriété un intelligent Philinte, le seul qui a compris qu’éthique et politique sont à jamais irréconciliables.

Philippe Reilhac, enfin, nous impose avec panache un Oronte cauteleux et vindicatif.

Bref, le Misanthrope de la Passerelle est l’un des plus beaux travaux du Off, un spectacle dont on sera fier, plus tard, de dire : « J’y étais ! ». 

Vincent Cambier


le Misanthrope, de Molière

Théâtre de la Passerelle • 5, rue du Général-du-Bessol • 87000 Limoges

05 55 79 26 49

Mise en scène : Michel Bruzat

Avec : Philippe Labonne (Alceste), Jean-Paul Daniel (Philinthe), Philippe Reilhac (Oronte), Marie Thomas (Célimène), Flavie Avargues (Éliante), Laure Siriex (Arsinoé), Denis d’Arcangelo (Acaste), Jean‑Pierre Descheix (Clitandre), Doriane Lauret (Basque), Denis Ardant (Du Bois), Michel Bruzat (un garde), Benoît Fuentes (piano), Sophie Jamin (violon) et Alexis Thépot (violoncelle)

Scénographie : Michel Bruzat et Vincent Grelier

Mise en musique : Dominique Desmons

Costumes : Dolorès Alvez (création), Nicole Reix et François Siméon (réalisation)

Lumières : Franck Roncière

Construction du décor : Daniel Roussel

Assistant technique : Jean-Luc Olluyn

Michelle Granger : administratrice

Gérard Berland : chargé de production

Collège de La Salle • place Pasteur • Avignon

À 10 h 45 (2 h 20)

Relâche les 11 et 18 juillet

04 90 85 92 86

Tarifs : 15 € | 10 €

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