« King Kong Théorie », d’après Virginie Despentes, la Luna à Avignon

« King Kong Théorie » © Pauline Bernard

Coup de pied dans la fourmilière

Par Marion Le Nevet
Les Trois Coups

Cinq jeunes femmes se font porte-parole du féminisme grinçant de Virginie Despentes. Avec son énergie collective, cette équipe n’a pas peur des vérités embarrassantes.

King Kong Théorie a été publié voilà dix ans. Virginie Despentes y dresse un constat de la situation féminine, forte de son expérience de femme et d’artiste. Elle analyse avec lucidité la suprématie masculine qui fait toujours rage dans nos sociétés. Viol, prostitution, pornographie… Autant de sujets générateurs de malaise, révélant une émancipation du « sexe faible » encore approximative, dont s’empare la metteuse en scène Emmanuelle Jacquemard avec sa compagnie 411 pierres.

Sommes-nous frappés par la crudité des mots, ou par la cruauté d’une réalité qu’on évite de regarder ? Ni optimiste ni vraiment pessimiste, Virginie Despentes cherche des pistes pour vivre sans subir. Un discours très évocateur pour la jeune génération, la stagnation – voire la régression – des droits de la femme obligeant à une certaine radicalité.

Les cinq jeunes femmes dirigées par Emmanuelle Jacquemard portent la pensée et le témoignage de l’écrivain, afin d’en imposer l’universalité. Elles placent le corps au centre du spectacle. Cherchant à exploiter l’énergie de la jeunesse, elles y puisent la force comique et révoltée.

Mais mettre en scène un discours frontal n’est pas forcément synonyme de vociférations. Malheureusement, le contenu se perd dans la désorganisation générale et les revendications rugissantes. Prises de catch, chorégraphies adolescentes, la priorité est donnée au défoulement sans complexe. Les sujets abordés se succèdent en catalogue, sans réelle mise en valeur.

Le jeu des comédiennes est inégal : intensité indéniable pour certaines, Lauréline Romuald en tête, incarnation à la scène de la romancière. Timidité et manque de conviction pour d’autres. L’intimité du témoignage ne trouve pas sa place dans cette chorale bruyante. La complicité entre les comédiennes peine à s’installer. Le style déclamatoire des passages les plus forts rend peu crédible la brutalité des propos.

Emmanuelle Jacquemard prend plutôt le parti de l’humour. L’ambiance est à la parodie de publicité pour rasoirs. Sous-vêtements, brumisateur et étalage de crème deviennent alors des symboles, proches du gag et de la B.D. Et on se laisse finalement gagner par cette atmosphère ludique et débridée. 

Marion Le Nevet


King Kong Théorie, d’après Virginie Despentes

Texte publié aux éditions Grasset

Mise en scène et adaptation : Emmanuelle Jacquemard

Avec : Rachel André, Marie‑Julie Chalu, Célia Cordani, Ludivine Delahayes, Lauréline Romuald

Collaboration artistique : May Roger

Scénographie : Pauline Bernard

Création lumière : Fiber Dumortier et Estelle Jalinie

Photos : © Pauline Bernard

La Luna • 1, rue Séverine • 84000 Avignon

Réservations : 04 90 86 96 28

Site du théâtre : www.theatre-laluna.fr

Du 7 au 31 juillet 2016 à 20 h 25

Durée : 1 h 20

19 € | 13 €

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