Nostalgie des grands cirques d’autrefois
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
C’est un très joli spectacle que nous propose Thierry Craye, circassien- prestidigitateur : avec sensibilité et nostalgie mais sans mièvrerie, il fait revivre pour nous les grandes heures du célèbre Cirque Crayoni aujourd’hui disparu, celui de son grand-père, de ses parents, celui qu’il a vu exister et s’évanouir avec ses yeux d’enfant.
Il est tout seul au centre de la piste autour de laquelle petits et grands sont rassemblés, une trentaine de spectateurs. Lui, Thierry Craye, dit Tiéro, le héros de l’histoire et son historiographe, va à la fois nous présenter quelques numéros (techniquement réussis) et les rattacher à telle ou telle figure de son passé : c’est mon frère qui exécutait ce tour, c’est Suzy qui se prêtait à cette acrobatie… Au passage, il parvient à faire s’envoler une boule de cristal ou surgir sur scène le lion féroce, et on y croit parce qu’on a envie d’y croire, parce que c’est à cet endroit que son don pour la prestidigitation se révèle le mieux, parce qu’il sait faire preuve d’humour et faire le clown au moment où tout pourrait verser dans la tristesse.
Ce faisant, il nous raconte une histoire, la sienne, celle de sa famille, mais comme en se jouant, sans grandiloquence ni pathos. Celle d’un cirque prestigieux qui a traversé les années et les générations, qui a connu les ors et les lustres, puis le désenchantement, la dissolution de la troupe jusqu’à donner sa dernière représentation en 1972. Thierry Craye avait alors 12 ans.
C’est de cette manière que son spectacle de cirque devient aussi, en passant par une porte dérobée, du théâtre biographique. Qui ne craint pas d’évoquer la grande Histoire, pudiquement mais sûrement. Ainsi explique-t-il pourquoi une des étoiles peintes autour de la piste a seulement cinq branches : c’est depuis que les nazis, venus s’amuser à leur tour et qui, semble-t-il, avaient beaucoup apprécié ce qu’ils avaient vu, ont néanmoins arrêté l’un des leurs en partant. L’étoile jaune piquée au milieu des autres, c’est un peu de lui qui reste, longtemps après, témoignage de l’Histoire.
Un spectacle délicat et magique
Au milieu du spectacle, le magicien est rejoint par son complice à la trompette, Christian Gmünder, le clown blanc, l’homme au masque triste qui lui aussi nous réserve une drôle de surprise. Pendant une bonne partie de sa prestation, il est assis sur un fauteuil roulant. On le pense paralysé. Est-il le symbole de ces artistes amputés d’un morceau d’eux-mêmes avec la disparition de leur outil de travail, des immenses cages de fauves, des cavalcades équestres, des équilibristes des hauteurs ? Nous rappelle-t-il aussi que le cirque fut l’un des rares lieux à accorder une place à tous ceux que la nature avait fait naître différents, « monstres » ?
Ne présumez surtout pas qu’il s’agisse d’un spectacle mélancolique. S’il est nostalgique, c’est pour mieux nous amener à rêver des étoiles ; s’il parle d’un passé enfui, c’est pour le faire revivre l’espace d’une représentation. Surtout, cette Collection Crayoni a pour ambition de nous éblouir et de nous faire rire. Elle y parvient délicatement et joyeusement. Si la magie consiste à ressusciter ce que l’on croyait disparu, alors le Cirque Crayoni est un formidable magicien ! ¶
Trina Mounier
la Collection Crayoni, de Thierry Craye et Didier De Neck
Mise en scène : Didier De Neck
Avec : Thierry Craye, Christian Gmünder
Scénographie et costumes : Natacha Belova, Valentin Périlleux
Régie : Guy Thérache, Olivier Daxhelet
Création lumière : Xavier Lebrun
Musique : Chris Devleeschouwer
Accessoires : Guy Carbonnelle, Geneviève Périat
Formules magiques : Bob Alan, Stanislas
Graphisme : Claire Astigarraga
Production : Roultabi asbl
Coproduction : Théâtre de Galafronie
Photos : © Kurt Van der Elst
Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Direction générale de la culture, service du Cirque, des Arts forains et de la Rue), de l’Espace d’interventions du centre culturel du Brabant wallon et du Mahiermont
Le spectacle a reçu le prix d’Interprétation aux rencontres de Huy 2012 et le « Coup de cœur » au festival du Grand-Bornand (jeune public) 2013
Théâtre Théo-Argence • place Ferdinand-Buisson • 69800 Saint-Priest
04 81 92 22 30
http://www.theatretheoargence-saint-priest.fr/
Du 2 au 5 mars 2016 à 20 h 30 (le mercredi à 15 heures)
Durée : 1 h 15
De 26 € à 6 €
Dès 7 ans