Percutant !
Par Léna Martinelli
Les Trois Coups
Seul en scène, Matias Pilet porte le spectacle. Et sa tente. Vagabond, fugitif, réfugié d’hier ou d’aujourd’hui, Hektor affronte, de façon burlesque, les obstacles en série que la vie sème sur sa route.
Pour camper ce personnage : Matias Pilet, déjà repéré dans Terabak de Kiyv et Acrobates. Son innocence fait penser à Buster Keaton, son agilité à Charlie Chaplin. Quand le ciel ne lui tombe pas sur la tête, les objets les plus anodins le mettent dans des situations inextricables. Et c’est réussi car la mécanique clownesque est bien huilée.
Il faut le suivre, ce bourlingueur poursuivi par d’invisibles forces, y compris dans ces échappées de doux rêveur. Avec grâce, l’acrobate bouscule les frontières des disciplines, allant du côté du mime ou de la danse. Il déploie une belle énergie, sans jamais oublier de le faire avec sensibilité.
Économie de moyens
Pas de déflagration. Un sac à dos, une tente et de l’air suffisent à Hektor. Car il plane, celui qui n’a plus prise sur la terre, ni sur rien, d’ailleurs. Grâce à son utopie indéboulonnable et sa naïveté, la misère et la solitude semblent peu lui peser, sauf peut-être dans le charivari de la ville.
Imaginée par le cinéaste et metteur en scène Olivier Meyrou, cette petite forme de cirque réinvente la figure du clown qui fit les grandes heures du cinéma muet. Même si le réalisateur n’en est pas à son premier spectacle (il travaille avec Matias Pilet depuis 2010), on sent vraiment l’influence du 7e art.
Cette traversée de la vie, jonchée d’épreuves, des migrants, des S.D.F., bref des exclus de toutes sortes, est comme un travelling. Entre autoroutes et lieux déshumanisés, on voit la mer, les montagnes ou les sous bois, grâce à des bruitages évocateurs. Quant aux extraits musicaux (Emportés par la foule, Your’re all the world to me, chanté par Fred Astaire), ils donnent à l’existence d’Hektor et à son voyage un écho universel.
Le spectacle demeure une petite forme, que certains trouveront peut-être un peu courte (lire la critique de Laura Plas). C’est pourquoi, il est précédé de Redevenir un homme, au thème complémentaire. Le titre a changé : pour autant, Hektor a perdu son nom mais pas son identité. Ce précipité, qu’est la Fuite, interroge notre rapport au monde. Un monde qui va vite, où il est de plus en plus compliqué de trouver sa place et où l’humain est souvent broyé. Et mine de rien, ce spectacle est percutant, car sa poésie, touche en plein cœur. ¶
Léna Martinelli
La Fuite, d’Olivier Meyrou
Mise en scène : Olivier Meyrou
Avec : Matias Pilet
Régie générale : Jules Pierret
Régie lumière et son : Jules Pierret et Sofia Bassim
Cabane du Monfort • Parc Georges Brassens • 106, rue Brancion • 75015 Paris
Du 13 au 17 novembre 2018, à 19 h 30
Durée : 35 minutes (la représentation dure au total 1 h 20 : une soirée / un billet : deux spectacles)
De 5 € à 25 €
Réservations : 01 56 08 33 88
Tout public
Tournée (en cours)
- Théâtre de Sartrouville – centre dramatique des Yvelines, les 27 et 30 mars 2019