Karaquillo, beau comme un dieu
Par Vincent Cambier
Les Trois Coups
Au Théâtre des Carmes se joue « l’Acteur loup », d’André Benedetto, mis en scène par Michel Bruzat et interprété par Yann Karaquillo. Rien que ces trois patronymes doivent suffire à rameuter les foules.
André Benedetto, comédien, metteur en scène et poète pendant plus de quarante ans, était bien placé pour parler de cet animal bizarre qu’est l’acteur. L’Acteur loup est d’une intelligence rare, d’une stupéfiante sagacité, d’une poésie qui foudroie. L’écrivain ouvre le corps du comédien au scalpel, fouille jusque dans les moindres recoins, opère à cœur ouvert, dissèque même l’âme.
Yann Karaquillo, beau comme un dieu dionysiaque, arpente le plateau comme si sa vie en dépendait, comme un lycanthrope condamné à errer à la pleine lune. Il orgasme le texte visionnaire de Benedetto, il l’éjacule, prend son pied à nous l’offrir, car « jouer, c’est jouir ». Ce comédien est un fauve, un loup soûl de sa bestialité, qui nous balance les fulgurances de l’auteur occitan dans les canines, comme un crochet à la mâchoire. Pour autant, il peut – car il est capable de tout – limer ses crocs et vous les offrir comme un câlin textuel.
Perle de la mise en scène, entre autres bijoux : l’adresse directe à Michel Bruzat, assis au premier rang, pour l’envolée d’une lumineuse lucidité concernant les metteurs en scène « géniaaaaux » et/ou tyranniques, est une idée dramatique formidable. Même si, du coup, le directeur de La Passerelle a pris le risque d’en prendre plein la gueule.
La mise en scène et la lumière (Franck Roncière) servent avant tout d’écrin bienveillant à l’Acteur, celui qui « crée un désert tout seul ». Bruzat et Roncière ont compris, eux, depuis longtemps que les plus belles mises en scène et lumières sont celles qu’on ne voit pas, qui ne se justifient que par la mise en splendeur du passeur qu’est le comédien.
Catherine Delaunay accompagne Karaquillo tout au long de sa traversée par ses musiques et, surtout, surtout, par son sourire qui luit dans le noir, gorgé d’humanité et de fraternité. ¶
Vincent Cambier
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l’Acteur loup, d’André Benedetto
Théâtre de la Passerelle • 5, rue du Général-du-Bessol • Limoges
05 55 79 26 49
theatre-de-la-passerelle87@wanadoo.fr
Coproduction : Théâtre des Carmes – André‑Benedetto
Mise en scène, scénographie : Michel Bruzat
Avec : Yann Karaquillo, Catherine Delaunay
Lumière : Franck Roncière
Costumes : Dolores Alves Bruzat
Photo : D.R.
Avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication-D.R.A.C. du Limousin, du conseil régional du Limousin, du conseil général de la Haute-Vienne et de la ville de Limoges
Théâtre des Carmes – André‑Benedetto • 6, place des Carmes • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 82 20 47
http://www.theatredescarmes.com/
Du 5 au 27 juillet 2014 à 15 h 30
Durée : 1 h 15
17 € | 12 €