« le Cahier noir », d’Olivier Py, le Centquatre à Paris

« le Cahier noir » © Marc Domage

Réenchanter le monde avec Olivier Py

Par Cédric Enjalbert
Les Trois Coups

Plus mystique et lyrique que jamais, Olivier Py expose sans pudeur son « éros idiot de garçon triste » dans son « Cahier noir » (Actes Sud, 2015). Le comédien Émilien Diard-Detœuf donne une incarnation remarquable à ces écrits de jeune poète, au Centquatre à Paris.

On sait Olivier Py superactif, à la fois dramaturge, écrivain, metteur en scène de théâtre et d’opéra, directeur du Festival d’Avignon après l’avoir été de l’Odéon. Quand on lui demande, lui répond qu’il est poète. C’est qu’il est submergé par un lyrisme sincère et tenace, dont regorgent déjà ses textes adolescents. Voyez ce Cahier noir, d’un outrenoir à la Soulage, écrit et dessiné à 17 ans par un jeune homme confiné à l’étroit dans une ville de province, plongée dans une « lumière de déception confirmée » : il semble trempé dans l’encre dont parle Hugo, « cette noirceur d’où sort une lumière ». Mystique déjà, lyrique plus que jamais, Olivier Py frotte dans ces pages « deux silex » l’un contre l’autre : « l’ennui sans nom et le désir sans objet » dont il tire un feu, une jouissance paradoxale, « négative » pour ne pas dire masochiste. Car le jeune homme aspire à la glorification par le martyre.

Empruntant à Cioran sa détermination à « laquer de noir l’esprit français », souillé comme Genet « par la littérature comme aucun homme ne [le] souillera jamais », pascalien dans sa ferveur spirituelle, Olivier Py trace une quête d’absolu, assoiffée de symboles. En descendant « un peu plus bas dans [ses] rêves », le jeune écrivain va « là où la conscience n’a plus besoin de métaphore », autrement dit dans ce noyau dur de l’être, qui révèle une béance au cœur de la présence. Chrétien nietzschéen, Olivier Py s’essaie déjà ado au réenchantement du monde, avant de se livrer corps perdu au théâtre. Dans les replis et les interlignes de ce Cahier noir préexistent tous les excès à venir : les chansons réalistes du cabaret travesti de Miss Knife, la folie flamboyante d’Orlando, la course désespérée de Hacia la alegría

Le comédien Émilien Diard-Detœuf donne corps à cet « éros idiot d’enfant triste » avec une conviction robuste et une joie furieuse. Dirigé par l’auteur lui-même dans ce projet fou d’« érotiser l’intégralité du monde », il en vient à extorquer un peu d’Olivier Py, par mimétisme, au détour d’un mouvement ou d’une intonation. Avec pour seul décor une toile déroulée – un lavis à l’encre noire dépeignant une ville médiocre –, une table d’écriture et un lit métallique, il érige un labyrinthe d’images et de métaphores, un palais des merveilles gothique, avec ses trésors et ses cachots. Sans ménager aucune distance avec son personnage, il incorpore très directement le meilleur de la jeunesse : une prodigieuse intégrité dans l’action la plus mince, une insatiable tentation de l’absolu et une pansexualité nihiliste et joyeuse. À ses côtés, Emmanuel Besnault et Sylvain Lecomte interprètent des personnages secondaires. Ils donnent un contrepoint prosaïque aux fantasmes du jeune graphomane, faisant valoir par contraste sa folle impudence et son infinie passion, surlignant cet élan démentiel qui tend « au‑delà des confins ». 

Cédric Enjalbert


le Cahier noir, d’après le roman illustré d’Olivier Py

Actes Sud, 2015

Mise en scène : Olivier Py

Avec : Émilien Diard‑Detœuf, Emmanuel Besnault et Sylvain Lecomte

Régisseur général et lumières : Florent Gallier

Décor : Pierre‑André Weitz

Photos : © Marc Domage

Le Centquatre • 5, rue Curial • 75019 Paris

Réservations : 01 53 35 50 00

www.104.fr

Du 3 au 19 novembre 2016, du mardi au samedi à 21 heures et le dimanche à 18 heures

Durée : 1 h 20

À propos de l'auteur

Une réponse

  1. Py n’a pas assez à faire en dirigeant Avignon pour encore infliger ses considérations morbides dans les théâtres parisiens? ou ses bouquins qui font des pavés publiés grâce à son frangin chez Actes Sud? et vous vous sentez autorisés à encore lui faire de la pub lui qui promettait de s’intéresser aux jeunes aux Avignonnais mais qui passe son temps dans les trucs mondains dans la capitale? c’est ça, les 3 coups dorénavant? faire la pub de ceux qui se croient indispensables dans le théâtre et qui passent leur temps dans les cabinets ministériels? vous n’avez pas mieux à critiquer franchement?

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