L’amour et le hasard ont beau jeu au T.G.P.
Par Emmanuel Arnault
Les Trois Coups
Le Théâtre Gérard‑Philipe, centre dramatique national de Saint‑Denis, est un lieu superbe, aussi excentré qu’original. Il accueille en ce moment la mise en scène de Jean Liermier de ce qui est sans doute la pièce la plus célèbre de Marivaux. Une création qui a tout pour plaire, mais qui déçoit finalement un peu par son manque apparent d’aboutissement.
Comme parfois chez Marivaux, l’auteur comble l’invraisemblance et la simplicité de l’argument de départ par une construction et une écriture très travaillées. Promise à Dorante, Silvia décide d’échanger provisoirement sa place avec celle de sa servante Lisette afin d’observer librement celui qui doit être son futur mari. Le hasard venant se mêler à ce jeu de l’amour, il se trouve que Dorante a eu la même idée de son côté avec son valet Arlequin. Ainsi donc, Silvia et Dorante se rencontrent sous les vêtements de leurs serviteurs, alors que Lisette et Arlequin se prennent au jeu de la séduction sous les habits de leurs maîtres…
Dès que la lumière se fait sur le plateau, la scénographie séduit immédiatement : un grand plan incliné, qui semble s’être échoué sur la scène, est recouvert de nombreuses portes. Cette excellente idée de départ nous promet une mise en scène originale et décapante. Malheureusement, ce parti pris n’est pas poussé jusqu’au bout, et il mérite d’être mieux exploité. Les très beaux costumes d’époque conçus par Werner Strub sont cependant bien mis en valeur par rapport à ce décor, et ce mariage de moderne et de classique est assez réussi. Concernant la mise en scène de Jean Liermier, au contraire du dynamisme attendu et malgré une fraîcheur certaine, elle est plutôt « pépère » et laisse presque les péripéties marivaldiennes se suffire à elles-mêmes. On regrette aussi la présence d’un entracte. Resserrée, la mise en scène aurait permis de suivre l’action entière sans avoir besoin de cette pause briseuse d’illusions, qui n’est pas forcément agréable.
L’homogénéité de l’ensemble de la distribution est un fait rare et appréciable : on est conquis par le jeu franc et entier, propre aux valets de comédie, de Dominique Gubser et François Nadin, qui soulignent quasiment à eux seuls la force comique de la pièce. On aime en outre la finesse et le naturel du couple Alexandra Tiedemann et Joan Mompart, qui maîtrisent admirablement le jeu dans le jeu voulu par Marivaux. On apprécie également la fougue bien venue de Cédric Dorier et la belle voix d’Alain Trétout, la force tranquille du spectacle.
La mise en scène est certes au service du texte, mais elle n’est hélas que cela. Il n’en reste pas moins que les amateurs de Marivaux, et ceux qui accepteront l’invraisemblance de l’histoire, pourront passer une très belle soirée en se laissant aller à des rires francs devant ces jeux d’apparences et de faux-semblants, au bout desquels, bien sûr, l’amour triomphe du hasard. ¶
Emmanuel Arnault
le Jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux
Mise en scène : Jean Liermier
Collaboration artistique : François Regnault
Avec : Alexandra Tiedemann, Dominique Gubser, Joan Monpart, François Nadin, Alain Trétout, Cédric Dorier
Scénographie : Philippe Miesch
Costumes : Werner Strub, en collaboration avec Maritza Gligo
Réalisation costumes : Maritza Gligo et Stéphane Laverne, assistés de Jean‑Claude Fernandez
Lumières : Jean‑Philippe Roy
Son : Jean Faravel
Coiffures et maquillages : Katrin Zingg
Accessoiriste : Éléonore Cassaigneau
Photo : © Marc Van Appelghem
Théâtre Gérard‑Philipe-C.D.N. de Saint‑Denis • 59, boulevard Jules‑Guesde • 93207 Saint‑Denis
Réservations : 01 48 13 70 00
reservations@theatregerardphilipe.com
Du 9 novembre au 6 décembre 2009, du lundi au vendredi à 20 heures, samedi à 19 heures, dimanche à 16 heures, relâche le mardi
Durée : 2 heures (entracte compris)
24 € | 15 € | 6 €