Conte de Noël
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
C’est une de ces histoires dont Maupassant a le secret, qui révèle à la fois la cruauté des uns et la bonté des autres. Tout indiquée pour un public de jeunes enfants (les horaires prévus ne laissent pas de doute à ce sujet) à l’approche des vacances de Noël.
C’est la belle réussite du Roman de Renart qui m’avait incitée à aller voir ce Papa de Simon, monté par Clément Morinière avec la même équipe d’acteurs. Si le metteur en scène n’a pas à rougir puisque tout dans ce travail est impeccablement fait, la déception est au rendez-vous.
Il est vrai que le piège était dans la nouvelle elle-même : Simon, 6 ans, fait sa rentrée à l’école et découvre à la fois la méchanceté de ses camarades et son infirmité qu’il ne connaissait pas : il est né de père inconnu, tache de naissance indélébile qui ne pardonne pas en ce xixe siècle. Il va donc devenir le souffre-douleur de quelques garçons de son âge jusqu’à ce qu’un forgeron au grand cœur, passant par là, le voie pleurer, s’en émeuve et accepte de servir de père à l’enfant qui innocemment le lui demande. Mais, bien sûr, un vrai père ne se contente pas de poser la main sur l’épaule de son fils théorique et, tout est bien qui finit bien, tout le monde va se liguer pour que le forgeron et la mère de Simon fassent une fin édifiante.
Depuis, nous avons tous lu Bettelheim et compris que ce que les enfants cherchent dans les contes, c’est le monstre, le loup, celui qui fait peur. Grâce à lui, on vit des émotions fortes devant qui les tristesses de tous les jours peuvent être rangées au rayon des accessoires. Et c’est là que le bât blesse.
Trop sage
Avec son décor de tissu et sa marionnette dans le rôle du petit garçon, son instituteur en blouse grise qui siffle les bousculades de la récréation, le metteur en scène nous place dans l’univers d’un vieux livre d’images dont on feuillette les pages, bien tranquillement le soir au coin du feu. Les costumes, qui nous transportent dans un village du xixe, sont un peu trop propres et élégants notamment pour une pauvre femme qui vit chichement à l’écart du bourg, qui l’exclut. Le choix de la marionnette pour incarner Simon, tout à fait honorable, contribue malheureusement à lisser l’ensemble. Et quand on nous dit que la marionnette pleure, on n’y croit pas un seul instant. Encore moins à la malice très édulcorée des deux méchants garnements.
Bref, ce qui fait défaut, c’est la cruauté, un peu de piment dans ce conte si moral qu’il en devient presque terne. Ce qui manque, c’est une vraie douleur chez Simon, de la vie, des cris et des larmes qui ne soient pas de bois.
C’est vraiment dommage, car ce spectacle est techniquement parfait, à telle enseigne qu’on aurait vraiment envie qu’il se « lâche » un peu, et Clément Morinière nous a montré qu’il était capable de faire entendre différents niveaux de lecture, de jouer sur plusieurs tableaux. ¶
Trina Mounier
le Papa de Simon, d’après Guy de Maupassant
Texte et mise en scène : Clément Morinière
Avec : Amandine Blanquart (la Blanchotte), Clément Carabédian (Gaston, Barnabé), Julien Gauthier (Simon), Damien Gouy (Philippe le forgeron), Clément Morinière (Narrateur, Gaspard, Léon), Patrick Roger (musique, hautbois, maître d’école)
Musique : Patrick Roger
Photo : © Michel Cavalca
Production : Théâtre en Pierres dorées
Coproduction : Théâtre national populaire
Théâtre national populaire • salle Jean‑Vilar • 8, place Lazare‑Goujon • 69100 Villeurbanne
Tél. 04 78 03 30 40
Du 10 au 20 décembre 2015
Durée : 45 minutes
De 10 € à 25 €