« L’Eau douce », Cie Nathalie Pernette, « le Vertige de l’envers », L’Envolée Cirque, Les Élancées, Scènes & Cinés, Espace 233, Istres, Oppidum, Cornillon-Confoux

Cie-Pernette-L-Eau-douce © Michel-Petit

Vitalité et délicatesse

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Parmi les spectacles jeune public proposés cette année au festival Les Élancées, deux ont attiré notre attention : « L’Eau douce », sur la nécessité de préserver l’eau, est une approche exigeante mais ô combien nécessaire ; la poésie l’emporte aussi dans « le Vertige de l’envers ». Deux créations oniriques qui bouleversent notre rapport à la réalité.

Au-dessus d’un petit bassin transparent, un bloc monolithique en impose jusqu’à se transformer, tour à tour en iceberg, vague, nuage, grotte. Celui-ci influencera-t-il l’évolution ? En tout cas, dans le spectacle de Nathalie Pernette, l’eau est explorée dans ses différents états : gelée, liquide, vapeur.

L’eau dans tous ses états

Entre clapotis et giclées, la chorégraphie évolue au fil des tableaux. D’abord saccadée, presque figée par le froid polaire, elle gagne en fluidité et rondeur au fil de cette traversée qui nous mène du pays des glaces à des contrées embrumées. Secoué par la tempête, vivifié par l’énergie du tourbillon, ballotté, le corps navigue au gré de courants imaginaires, entre bascules atmosphériques et grimaces théâtrales.

Conçu comme « une rêverie chorégraphique », l’Eau douce « fouille la part étrange, légère et ludique de cet insaisissable élément », explique Nathalie Pernette. « Protéiforme, trouble et double, l’eau me fascine ; tout à la fois sombre et limpide, douce et furieuse, joueuse et ténébreuse, elle est peuplée d’êtres réels ou imaginaires et ses abysses nous restent encore aujourd’hui inconnus ».

Il ne s’agit pas d’un voyage vers la planète, comme dans le film culte de Kubrick, mais au cœur de celle-ci, avec quelques échappées fantastiques. Au même titre que l’humain, incarné par la danseuse, ou la faune, très présente en fonds sonore, l’eau est surtout appréhendée comme une espèce à part entière. Du vivant à l’état pur !

Odyssée de l’espèce

Sa vulnérabilité est métaphorisée par des effets qui soulignent sa valeur inestimable. On perçoit le faux silence des profondeurs, la fraîcheur revigorante d’une cascade, l’humidité de forêts habitées, le réconfort de rituels, le repli salvateur dans la caverne. Et presque le chant des sirènes ! L’eau se révèle tantôt destructrice, tantôt source de vie, protectrice ou purificatrice.

Impressionnés par le côté sombre et une bande-son évocatrice, les plus petits sont d’abord saisis, intrigués par ce mystère. Quels monstres marins vont surgir ? Puis ils se laissent volontiers aller à une attention flottante, avant d’être amusés ou fascinés. De la scénographie surgissent quelques belles images. D’ailleurs, la lumière noire révèle un jeu de peintures phosphorescentes. Et nos sens sont sans cesse aiguisés.

Pour que cette odyssée de l’espèce ne laisse de glace, une préparation des enfants est nécessaire. Avec plusieurs niveaux de lecture, le spectacle est riche en exploitations pédagogiques, avec une approche par le mouvement, une réflexion scientifique, ou encore l’histoire, la littérature, les arts plastiques.

Sens tourneboulés

Dans le Vertige de l’envers, les corps flottent, cette fois-ci dans les airs. Quelque chose ne tourne pas rond… Les objets, et même les interprètes, ont de drôles de réactions. Les balles dévient de leur trajectoire. Les deux acrobates échappent aux lois de la gravité terrestre, tandis que celles du temps semblent s’abolir. Même la chute est à l’envers ! Pourtant, tout ressemble à ce que nous connaissons. Dans quelle dimension sommes-nous donc ?

Jeux d’équilibres, trompe-l’œil, L’Envolée Cirque joue avec le mouvement et l’illusion. Expert en jonglerie optique et manipulation d’objets, Nicolas Longuechaud est un drôle de magicien qui aime titiller notre perception. Sa complice, Pauline Barboux est acrobate aérienne et danseuse de l’apesanteur. Littéralement aimantés, ils font la paire. Tous deux bien perchés, ils dévoilent, avec humour et poésie, la force et les fragilités des corps en action. Quelle délicatesse !

Avec la suspension au cœur de sa démarche, la compagnie porte une attention particulière au mouvement dilaté. Verticalité et horizontalité sont donc très bien exploitées avec une scénographie qui donne à voir un déséquilibre constant. En état de contemplation, le spectateur se laisse volontiers aller à ces fantaisies. Dans un monde où notre regard s’habitue très vite aux filtres numériques, ces doux rêveurs réinsufflent une part de merveilleux dans le réel. Et ça en est vertigineux. Un très joli spectacle. 🔴

Léna Martinelli


L’Eau douce, Nathalie Pernette

Site de la compagnie
Chorégraphie : Nathalie Pernette, assistée de Regina Meier
Avec : Anita Mauro
Création musicale : Franck Gervais
Costumes : Fabienne Desflèches
Création lumières : Caroline Nguyen
Scénographie : Amélie Kiritzé-Topor
Direction technique : Stéphane Magnin
Durée : 45 minutes
Dès 3 ans

Espace 233 • CEC Les Heures claires • 13800 Istres • Tel. : 04 13 29 58 87
Du 13 au 15 février 2024
Infos ici

Tournée ici :
• Du 4 au 6 mars, L’Empreinte, scène nationale Brive-Tulle (19)
• Du 14 au 16 mars, Festival Tinta’mars, à Langres (52)
• Le 20 mars, Saint-Julien-en-Genevois (74)
• Du 17 au 18 avril, La Passerelle, à Rixheim (68)
• Le 30 mai, Théâtre de Rungis (94)

Le Vertige de l’envers, L’Envolée Cirque

Site de la cie
De et avec : Pauline Barboux et Nicolas Longuechaud
Regard complice : Kitsou Dubois
Composition musicale : Mauro Basilio
Dès 3 ans
Durée : 30 min

L’Oppidum • 367, route de Grans • 13250 Cornillon-Confoux • Tel. : 04 90 55 71 53
Le 14 février 2024
Infos ici

Tournée ici , dont :
• Du 26 février au 5 mars, représentations scolaires, à Gennevilliers (92)
• Du 2 au 5 avril, représentations scolaires, à Romainville (93) 
• Du 9 au 12 avril, représentations scolaires, en Sèvre et Loire (44)
• Le 25 avril, festival Rencontre des jonglages, à La Courneuve (93)
• Le 30 avril, Théâtre Le Sémaphore, à Port-de-Bouc (13) 
• Le 4 mai, festival Rencontre des jonglages, Théâtre des roches, à Montreuil (93)
• Les 22 et 23 mai, Festival Un Neuf Trois Soleil !, à Romainville (93)
• Les 25 et 26 mai, Festival Le Printemps des rues, à Paris (75)
• Les 1er et 8 juin, Festival Un Neuf Trois Soleil !, à Gagny (93)
• Du 27 au 29 juin, We Cirk organisé par la coopérative 2R2C, à Quincy-voisins (77)
• Du 10 au 14 juillet, Festival d’Alba-La-Romaine organisé par La Cascade, PNAC Ardèche-Auvergne-Rhone-Alpes (07)
• Les 25 et 26 juillet, Oppidium de Glanum, à Saint-Rémy-de-Provence (13)

Dans le cadre du festival Les Élancées, 26e édition du 10 au 25 février 2024, porté par Scènes & Cinés

À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Les Ombres Blanches, de Nathalie Pernette, par Maud Sérusclat-Natale
☛ Ode à la métamorphose et éloge du vivre ensemble, par Léna Martinelli

Photos :
L’Eau douce, Nathalie Pernette © Michel Petit
Le Vertige de l’envers, L’Envolée Cirque © DR

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