« Les quatre points cardinaux », Andrés Labarca, Lola Etiève, Festival UtoPistes, Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon

Étrange pèlerinage

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Fascinant spectacle que celui que nous présentent Andrès Labarca et Lola Etiève. Son titre annonce le mystère avec ces points cardinaux qui partent de quatre pour arriver à deux : « Les quatre points cardinaux sont trois : le nord et le sud ». Manière d’indiquer qu’on va s’échapper de la logique et plonger dans l’inconnu, inverser les pendules et bouleverser la pesanteur.

Mais l’étrangeté n’est pas que dans le titre. Elle s’impose au regard dès l’entrée dans la salle, par sa présence imposante sur un plateau. La scénographie est effectivement impressionnante. Signée par Justine Bougerol et Gabriel Tondreau, revendiquée par l’ensemble de la compagnie, elle occupe tout l’espace du plateau et jusqu’aux cintres. Il s’agit en réalité du personnage principal de ce spectacle.

Devant nous une maison abandonnée et passablement en ruines, mais qui porte les traces visibles des vies qui s’y sont déroulées : la cuisine avec sa bonbonne de gaz, ses ustensiles et tout un fatras qui en témoigne ; mais aussi des tableaux, des toiles d’araignées, la tresse d’ail, la cafetière : cette maison est bel et bien encore habitée, même si les vivants l’ont désertée ou qu’ils dorment, puisqu’il fait nuit. Les ingrédients fantastiques sont en place.

Cette maisonnette évoque donc davantage un décor de Znorko qu’un espace dédié à des exercices circassiens. Nous y entrons à la suite de Sylvain Decure, armé d’un jerrican plein d’essence dont il répand le contenu sur le sol. Nous apprendrons qu’il obéit ainsi à une mission qui se révélera très ardue à accomplir, que sa propre mère a habité cette maison, la maison de son enfance, imprégnée de la mémoire familiale. Pas inquiet pour un sou, ce personnage va grimper un escalier branlant au prix de défis à la pesanteur (il monte à la quasi horizontale), quand un pendu, ou ce qui semble en être un, tombe des cintres, faisant sursauter le « héros » et les spectateurs.

Voyage onirique avec fantômes

Ce second personnage, interprété par Andrès Labarca, tout maquillé de blanc est encore plus énigmatique. Aussi muet que l’autre est volubile, ce contorsionniste incroyable semble terrorisé, incontrôlable et dangereux. S’agit-il de son frère ? De son double ? En tout cas, ce fantôme apparaît comme le véritable habitant de la maison.

On pourrait raconter encore et encore, mais laissons au public le plaisir de la découverte. Souvenons-nous simplement que le décor comme les personnages indiquent une véritable intrigue, dont nous aurons quelques clés à la toute fin, grâce à des bandes magnétiques sur lesquelles un journal intime explique en grande partie ces mystères. Aussi que ce décor ne serait rien sans les lumières de Jérémie Papin. Certains effets sont bluffants, comme le bruit d’un TGV qui passe derrière les murs de la maison, la faisant trembler sur ses bases.

Enfin, les deux circassiens réalisent des exploits d’autant plus impressionnants qu’ils s’effacent jusqu’à devenir presque invisibles. Quel beau spectacle ! Cette ouverture est un pas de côté sur nos habitudes de spectateur ! 🔴

Trina Mounier

Les quatre points cardinaux sont trois : le nord et le sud, de Andrés Labarca et Lola Etiève

Compagnie Ni Desnudo Ni Bajando La Escalera
Direction et écriture : Lola Etiève et Andrés Labarca
Interprétation : Sylvain Decure et Andrés Labarca
Collaboration artistique : Silvio Palomo
Scénographie : Justine Bougerol et Ni Desnudo Ni Bajando La Escalera
Conception et réalisation des patines : Gabriel Tondreau
Création lumière : Jérémie Papin
Création sonore : Lola Etiève
Chant : Jean-Paul Mangin
Durée : 45 mn
Dès 8 ans
Théâtre de la Croix-Rousse • place Joannès Ambre • 69004 Lyon
Le 25 mai , à 19 h 30 et le 26 mai 2023 à 20 heures
De 5 € à 27 €
Réservations : 04 72 07 49 94 ou en ligne