Extrêmement attachant
Par Céline Doukhan
Les Trois Coups
29 juillet 2009 : les rues d’Avignon se sont presque vidées de leurs envahisseurs. Les théâtres peinent à se remplir. Tous ? Non ! Au collège de La Salle, une poignée d’irréductibles spectateurs se presse dans une modeste salle de classe pour assister à « l’Évasion de Kamo ». L’évasion de qui ? Ne vous inquiétez pas, vous allez comprendre. « L’Évasion de Kamo », c’est comme Astérix : petit certes, mais intelligent, malin et plein de ressources.
Kamo est un jeune garçon extrêmement attachant, à l’image de tout ce spectacle. Il adore les batailles de polochon avec sa copine Lili. Il adore également passer des vacances avec elle et ses parents, vu que ses parents à lui ne sont pas toujours présents. Sa mère, en particulier, est partie en Russie pour un « retour aux sources », auquel Kamo aurait bien aimé participer, lui aussi. Ceci n’ayant en apparence rien à voir avec cela, Kamo a une terrible phobie du vélo. Ah, et sinon, Kamo adore les Hauts de Hurlevent. Un garçon fort complexe, je vous dis.
Autant de pièces d’un puzzle qui va faire apparaître une véritable quête de l’identité et un hymne tendre et passionné à l’amitié, mise à l’épreuve d’un accident de vélo qui plonge Kamo dans un profond coma… Non non non, ne sortez surtout pas les violons ! Il n’y a rien de larmoyant là-dedans. Au contraire, sur cette trame, Guillaume Barbot a créé une mise en scène délicieusement fantaisiste et pleine d’invention. Ça bouge, ça saute, ça pédale dans tous les sens. C’est un vrai plaisir de voir les personnages évoluer dans ce décor-caverne d’Ali Baba, à commencer par un narrateur bizarrement accoutré, juché sur une plate-forme au fond du plateau… En regardant ce narrateur (Pierre‑Antoine Chevalier) tirer littéralement les ficelles du récit et du décor, en écoutant sa voix douce, on se rend compte à quel point, en tant que spectateur, on aime être pris par la main, emmené dans un monde à part. C’est cette sensation plaisante et spontanée qu’on aimerait au fond ressentir à chaque fois que l’on va au théâtre.
Du côté de l’interprétation, c’est également un régal. Il peut être agaçant de voir des adultes endosser des rôles d’enfant, en singer les mimiques ou la diction, mais ce n’est pas le cas ici. C’est par la caricature malicieuse que les comédiens évitent le piège de l’imitation forcément ratée et souvent mièvre. Les voix déformées jouent à ce titre le même rôle que les masques qui recouvrent partiellement le visage des comédiens en leur permettant de réellement composer, créer leurs personnages. Yannick Landrein se fend ainsi d’une voix « donaldesque » drôlissime et interprète Kamo avec beaucoup de talent, parvenant à faire rire les adultes aussi bien que les enfants. On pourrait en dire autant de Céline Champinot en Lili, débordante d’énergie et d’humour. Et Pierre‑Antoine Chevalier (encore lui !) est touchant dans le rôle de Lanthier, l’autre ami de Kamo, plus effacé.
Dommage que la pièce perde un peu en rythme dans sa deuxième partie, après l’accident de Kamo. Sans déflorer le contenu de la pièce, on peut dire qu’il y a toute une intrigue autour de la révolution russe qui peine un peu à s’imposer. Mais l’ensemble de la pièce possède une grâce espiègle à laquelle il faudrait vraiment être de glace pour ne pas succomber. ¶
Céline Doukhan
l’Évasion de Kamo, de Daniel Pennac, adapté par Guillaume Barbot
Cie Coup de poker • Mairie, 6, rue de l’Église • 77850 Héricy
06 33 30 00 81
Mise en scène : Guillaume Barbot
Avec : Yannick Landrein, Céline Champinot et Pierre‑Antoine Chevalier
Scénographie, décor : Cécilia Delestre
Lumières : Cécile Robin
Son : Julien de la Hautemaison
Musique : Louis Caratini
Marionnette : Nadine Debien
Régie : Jean‑Baptiste Gleizes
Visuels : Morgane Legall
Photo : © Cie Coup de poker
Collège de La Salle • place Pasteur • 84000 Avignon
Réservations : 04 32 70 01 92
Du 8 au 31 juillet 2009 à 16 h 10
Durée : 1 heure
9 € | 6 €
Autres représentations :
- Le 3 novembre 2009 à 10 h 30 et 14 h 30 au centre d’animation des Halles (Paris)
- Le 17 novembre 2009 à 20 heures au centre Jean‑Vilar (Marly‑le‑Roi)
- Le 17 avril 2010 à 19 h 30 au Théâtre de Fontenay‑le‑Fleury