« Ludor Citrik » : un spectacle qui conchie le banal
Par Vincent Cambier
Les Trois Coups
C’est la deuxième édition du festival Cité nez clown, organisé par l’association étudiante d’Avignon Culture.com. Et dans ce cadre, j’ai assisté à la représentation de « Ludor Citrik : “Je ne suis pas un numéro” », au Théâtre du Balcon.
L’arrivée tonitruante de ce faux Diogène, apparemment mal élevé, cheveux et barbe longs, nez de poivrot à la W. C. Fields, les pieds dans des chaussures-cartons, laisse présager immédiatement un moment hors norme. On peut s’attendre à tout : qu’il crache, qu’il boive, qu’il danse, qu’il marionnettise, qu’il mime, qu’il jongle, qu’il prestidigite un lapin, qu’il converse dans une langue inconnue, qu’il réclame ouvertement un câlin, qu’il immole un intermittent (!), qu’il réhabilite l’imaginaire…
Quel choc ! Voilà enfin un spectacle qui conchie le banal, qui me secoue, qui m’étonne, qui me dérange, qui m’irrite (parfois), qui me surprend, qui me tétanise, qui me fait du bien, qui me fait rire et réfléchir, qui me laisse entrevoir des pans entiers de beauté, qui tutoie l’enfance de l’adulte que je suis – hélas ? – devenu.
Mon enthousiasme a sa source directe dans les traces laissées par la personnalité très forte et très attachante de Cédric Paga. C’est un ouragan qui m’emporte grâce au rythme insufflé à Ludor Citrik par les prouesses du corps, du verbe, du mime, de la marionnette, du jonglage, du masque, du jeu électrique, dues à l’immense générosité de l’acteur. Cet homme-là est dans le don permanent et absolu, aussi sérieux dans le jeu qu’un enfant. Ce qui explique aussi des moments que j’ai pu croire agressifs ou provocateurs (l’épisode des biscuits, par exemple).
Quant au petit rappel, à la fin du rêve, du statut des intermittents du spectacle, il est d’une simplicité artistique lumineuse. Et d’autant plus efficace.
Merci, Cédric Paga, pour tous ces cadeaux multicolores. ¶
Vincent Cambier
Ludor Citrik : « Je ne suis pas un numéro », de Cédric Paga
Interprété par Cédric Paga
Coup d’œil oblique précieux : Gilles Defacque
Appréhension du corps sensible : Anne‑Catherine Nicoladzé
Lumière : Jean‑Philippe Janssens
Costumes : Catherine Lefebvre
Théâtre du Balcon • 38, rue Guillaume‑Puy • Avignon
Samedi 5 mars 2005 à 19 h 30 (environ 1 heure)
Public adultes