« Mam’zelle Nitouche », de Hervé, Théâtre Marigny à Paris

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Une opérette complètement délurée

Par Maxime Grandgeorge

Les Trois Coups



Dans le cadre de la 7édition du Festival Palazzetto Bru Zane, le Théâtre Marigny accueille « Mam’zelle Nitouche », l’une des plus célèbres opérettes du compositeur Hervé, principal rival d’Offenbach. Un spectacle barré et festif où humour débridé et ambiance cabaret font bon ménage.



Chaque année depuis sept ans, le Festival Palazetto Bru Zane investit quelques-uns des plus beaux théâtres parisiens pour mettre à l’honneur le patrimoine musical français du grand XIXe siècle (1780-1920). Pour cette 7édition, une place de choix a été faite à l’opérette, genre musical tombé en désuétude depuis le milieu du siècle dernier.

Après le succès, en 2016, des Chevaliers de la Table ronde, le metteur en scène Pierre-André Weitz, fidèle collaborateur d’Olivier Py, retrouve donc l’équipe du Palazetto Bru Zane pour remonter Mam’zelle Nitouche, autre œuvre du compositeur de Florimond Ronger, dit Hervé. Après avoir vu le jour en octobre 2017 à l’Opéra de Toulon et voyagé dans toute la France pendant deux ans, cette production décalée est de passage au Théâtre Marigny pour quelques dates qui s’annoncent festives.

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« Mam’zelle Nitouche » de Hervé © Palazetto Bru Zane / Théâtre Marigny

Créé en 1883 au Théâtre des Variétés, Mam’zelle Nitouche fait partie des œuvres les plus connues d’Hervé, compositeur d’opérettes éclipsé au fil du temps par Offenbach, son rival et ami. Malgré le certain succès qu’il a obtenu dans le dernier tiers du XIXe siècle, Hervé est quasiment retombé dans l’anonymat aujourd’hui. Le « compositeur toqué », surnom qu’il doit au titre d’une œuvre de jeunesse, a pourtant profondément marqué le genre de l’opérette. Les deux adaptations cinématographiques de Mam’zelle Nitouche, en 1931 puis en 1954, avec les vedettes Raimu et Fernandel, en témoignent.

Bienvenue au cabaret

Pour composer ce « vaudeville-opérette » déjanté où se mêlent airs lyriques, chansons légères et numéros de cabaret, Hervé s’est inspiré de sa propre vie. Le spectacle narre les aventures de Célestin, organiste de couvent qui, une fois la nuit tombée, se transforme en Floridor, homme de théâtre et compositeur de musique légère. Alors qu’il s’apprête à assister, dans le plus grand secret, à la création de son opérette, le compositeur se retrouve à devoir emmener à Paris une jeune femme du couvent, Denise de Flavigny, chanteuse talentueuse à la vocation religieuse peu prononcée et ne rêvant que de théâtre, pour qu’elle se marie. La rencontre de cette dernière avec l’officier Fernand de Champlatreux – celui qu’elle doit épouser, sans le savoir – va les entraîner dans une série de péripéties toutes plus rocambolesques les unes que les autres.

« Entrez, entrez / Et découvrez / Le bel univers enchanté ! », entonnent un clown et des saltimbanques, accompagnés de quelques notes d’orgue de barbarie, pour accueillir dans le hall du Théâtre Marigny les spectateurs venus découvrir cette fameuse Mam’zelle Nitouche. Une entrée en matière digne d’une fête foraine qui nous plonge d’emblée dans l’ambiance des divertissements de la seconde moitié du XIXe siècle, avec ses cafés-concerts festifs et ses cabarets délurés. C’est à cette dernière tradition que cette production emprunte essentiellement.

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« Mam’zelle Nitouche » de Hervé © Palazetto Bru Zane / Théâtre Marigny

Le metteur en scène Pierre-André Weitz, présent sur scène sous les traits clownesques du régisseur, orchestre un joyeux bazar placé sous le signe du travestissement où les identités se confondent et les quiproquos se multiplient. Vêtus de costumes riches en couleurs, plumes et froufrous, les personnages chantent et dansent dans la joie et la bonne humeur. Dans cette mise en scène irrévérencieuse, les bonnes sœurs se transforment même en danseuses de cabaret, tandis que les officiers finissent en sous-vêtements et en tutus ! Les personnages évoluent sur un plateau amovible, qui tournoie tel un manège de fête foraine, permettant de changer de décors en un rien de temps. On passe ainsi d’un couvent à une salle de spectacle, puis d’une gare à une caserne, au milieu des religieuses sexy et des officiers travestis.

Burlesque à gogo

Le spectacle est mené par Lara Neumann, superbe en Denise, jeune femme faussement naïve et pleine de charme. Sa voix éclatante alterne avec aisance airs exigeants et chansons légères, trouvant le parfait équilibre entre gouaille populaire et élégance lyrique. Drôle et séduisante, elle mène tout ce petit monde avec énergie, sans jamais trop en faire. On ne peut pas en dire autant de Damien Bigourdan, dont l’interprétation est plus proche de l’outrance que de la retenue. Si son jeu burlesque se prête parfaitement bien au double personnage de Célestin / Floridor, organiste « béni-oui-oui » le jour et compositeur fantasque la nuit, sa prestation parfois un peu poussive a tendance à lasser. Le trio vocal de tête est complété par Samy Camps, jeune premier séduisant et fougueux.

Malgré son interprétation remarquable, Lara Neumann manque de se faire voler la vedette par Olivier Py, alias « Miss Knife ». Il est absolument hilarant, tout particulièrement dans les rôles travestis de la Mère supérieure et de la chanteuse de cabaret Corinne, affublé de faux seins massifs. Il module remarquablement sa voix, maniable à souhait, et surprend par ses capacités de chanteur, notamment dans le rôle de l’officier Loriot. Un artiste de cabaret né ! Parmi les autres chanteurs et comédiens, on notera également la très belle performance de Clémentine Bourgoin, qui joue, chante et danse à tour de rôle, et dont la voix est sans aucun doute l’une des plus belles entendues au cours de ce spectacle.

Histoire barrée, ambiance festive, airs entraînants (notamment la « Chanson du soldat de plomb » et la « Légende de la grosse caisse »)… Mam’zelle Nitouche a tout pour plaire. La mise en scène frappée de Pierre-André Weitz et l’interprétation enjouée de l’orchestre des Frivolités parisiennes, sous la direction efficace de Christophe Grapperon, redonnent tout son charme à cette bouffonnerie musicale longtemps oubliée. 

Maxime Grandgeorge


Mam’zelle Nitouche, de Hervé

Livret : Henri Meilhac et Albert Millaud

Direction musicale : Christophe Grapperon

Orchestre : Les Frivolités Parisiennes

Mise en scène, scénographie, costume et maquillage : Pierre-André Weitz

Assistante mise en scène : Victoria Duhamel

Lumières : Bertrand Killy

Chorégraphie : Iris Florentiny

Assistant chorégraphie :Yacnoy Abreu Alfonso

Chef de chant : Antoni Sykopoulos

Régie plateau : Ingrid Chevalier

Habillage : Nathalie Bègue

Avec : Lara Neumann, Olivier Py, Damien Bigourdan, Miss Knife, Samy Camps, Eddie Chignara, Sandrine Sutter, Antoine Philippot, Clémentine Bourgoin, Ivanka Moizan, Pierre Lebon, David Ghilardi, Piero

Production : Bru Zane France

Théâtre Marigny • Carré Marigny • 75008 Paris

Dans le cadre du Festival Palazzetto Bru Zane

Du 7 juin au 15 juin 2019

Durée : 2 h 20

De 18 € à 85 €

Réservations : 01 76 49 47 12 • billetterie@theatremarigny.fr

À découvrir sur Les Trois Coups :

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Le Postillon de Lonjumeau, d’Adolphe Adam/Michel Fau, par Maxime Grandgeorge

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