« Meute », de Perrine Gérard, Théâtre national populaire à Villeurbanne

« Meute » de Perrine Gérard – Mise en scène de Julie Guichard ©  Michel Cavalca

Scènes de la vie civique

Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups

Perrine Gérard, l’auteure, et Julie Guichard, la metteuse en scène, diagnostiquent avec mordant et ironie les insuffisances du système judiciaire et les violences du désir de vindicte populaire.

Sans doute inspirée par le roman de Jean Giono, Un roi sans divertissement, et le récit biblique des dix plaies d’Égypte, la pièce décrit le retour tragique d’un détenu dans sa ville, où une partie de la population n’a rien oublié de ce qui l’a conduit en prison pendant dix années. Hostiles à l’idée de toute réhabilitation, quelques citoyens haineux tentent de se faire justice.

Alternant scènes proches d’un réalisme bien renseigné et séquences métaphoriques, Meute pose vigoureusement la question de la réinsertion. À propos de ce spectacle, résonne, une fois de plus, le propos de Christiane Taubira : « Nos prisons sont pleines, mais vides de sens », et s’y ajoute la tentation monstrueuse du lynchage.

Au terme de la représentation, c’est un appel qui est lancé : il est urgent de mettre un terme à l’immobilisme qui paralyse les pouvoirs de toutes sortes et engendre les tentations haineuses et primitives d’une partie de la population.

« Meute » de Perrine Gérard – Mise en scène de Julie Guichard ©  Michel Cavalca
« Meute » de Perrine Gérard – Mise en scène de Julie Guichard ©  Michel Cavalca

Théâtralité sportive

À Saint-Étienne, le stade de football porte le même nom que la metteuse en scène – Guichard –, et force est de constater que, dans ses choix dramaturgiques, elle manifeste un véritable talent d’entraîneur.

Premièrement, elle dispose d’une solide équipe de comédiennes et de comédiens, au jeu homogène, et capables d’initiatives personnelles dont elle sait exiger précision tactique et talent d’improvisation. Meute y gagne en émotion et en vérité. Ce qu’elle montre, par exemple, à l’occasion des scènes de conseil municipal, de reportage télévisuel ou de procès est particulièrement convaincant.

Deuxièmement, dans un spectacle où l’intensité dramatique atteint des sommets, Julie Guichard et son équipe utilisent avec virtuosité des changements rapides d’éléments de décor, de costumes ou d’accessoires. Cette alacrité néobrechtienne soutient en permanence la puissance du récit. Qu’elle évoque la dureté des interrogatoires policiers ou les désarrois des personnages, son sens tactique fait merveille.

Enfin, entraîneur et joueurs, blessés physiquement ou mentalement dans l’action, démontrent une incroyable faculté à s’adapter aux changements de situations. Ainsi en est-il lorsqu’il s’agit d’interpréter une séquence de brutale confrontation dans un hôpital puis un moment de transposition symbolique où la neige fige l’espace d’un tribunal.

Deux mi-temps sans prolongations auraient peut-être suffi pour ce beau match. Deux heures trente, c’est un peu long. Mais, si certaines pièces de théâtre sont clairement destinées à une minorité de spectateurs, déjà conscients des problèmes soulevés par l’histoire, Meute, heureusement, s’adresse à un public beaucoup plus large. Assister à sa représentation est une occasion non négligeable d’avoir droit à une émouvante leçon d’instruction civique n’hésitant pas à faire preuve d’humour, malgré la nécessité et la force de son projet. 

Michel Dieuaide


Meute, de Perrine Gérard

Mise en scène : Julie Guichard
Avec : Liza Blanchard, Joseph Bourillon, Ewen Crovella, Manon Payelleville, Mathieu Petit, Arthur Vandepoel
Collaboration artistique : Perrine Gérard
Composition musicale : Guillaume Vesin et Quentin Martinod
Scénographie : Camille Allain Dulondel
Costumes : Sigolène Pétey
Lumières : Arthur Gueydan
Son : Guillaume Vesin
Production : compagnie Le Grand Nulle Part
Coproduction : Théâtre national populaire
Théâtre national populaire • 8, place Lazare-Goujon • 69627 Villeurbanne cedex
Réservations : 04 78 03 30 00
Du 23 janvier au 8 février 2019
Durée : 2 h 30
De 25 € à 14 €
Avec le soutien de : Centquatre-Paris, SPEDIDAM, Ville de Lyon

À propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Du coup, vous aimerez aussi...

Pour en découvrir plus
Catégories