« Passagers », Les 7 Doigts, La Villette, Paris

Passagers-7-doigts © Alexandre Galliez

Retour vers le futur

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Un voyage, ça vous dit ? Le temps d’un spectacle, « Passagers » nous propulse à travers les époques à la vitesse de l’éclair. Les 7 Doigts nous embarquent illico mais ça en est vertigineux.

Ne pas rater le train en marche ! Avec le collectif québécois, il est toujours possible de raccrocher les wagons, pour suivre le fil de l’histoire, d’autant qu’il développe souvent davantage une thématique. Ici, des étrangers se côtoient dans un train. Shana Carroll a choisi de décliner l’idée en une série de tableaux : attente sur le quai, compartiment bondé, rêveries devant les paysages qui défilent, expériences de la vitesse… Le rappel d’époques anciennes, essentiellement les années 30-40, est l’occasion d’une projection vers le futur.

Nostalgie quand tu nous tiens ! Malgré tout, on sort de là rincé. L’expérience nous donne la sensation de passer dans une centrifugeuse. Avec, en filigrane, un point de vue critique sur le « progrès » (courts extraits d’Einstein dans le train, de Connor Wild), le spectacle fait bien ressentir, par le sensible, l’urgence de ralentir. Au début, c’est grisant jusqu’au risque de dérailler. La machine s’emballe. Quand le temps s’étire enfin, la voix humaine se fait entendre pour laisser place aux sentiments.

Arrêt sur images !

Une dizaine d’artistes hors pair sur le grand plateau de la Villette, des numéros virtuoses, en veux-tu en voilà, des images en fond de scène qui se dédoublent souvent, quand un autre écran ne vient pas s’ajouter… Parfois, on ne sait plus où donner de la tête, d’autant que toutes les dimensions sont exploitées, presque comme la 4D ! Frustrant, comme dans notre société d’abondance et de frénésie !

© Alexandre Galliez

Des pistes intéressantes sont évoquées, comme l’exil, les frontières, la physique quantique, sans toutefois être creusées. Surtout, Les 7 Doigts, qui souhaitent « raconter des histoires humaines avec une virtuosité surhumaine », en montrent plus qu’il n’en faut. Puissance, grâce, inventivité : il y a du talent à foison et on aimerait revenir afin d’apprécier à leur juste valeur des numéros très originaux de corde lisse, jonglage, trapèze et cercles aériens, mât chinois, acrobatie, cadre russe. Pour la première fois, on voit même du break sur fil de fer !

Ça roule !

Qu’on arrive ou pas à suivre la cadence, plonger dans les paysages visuels et sonores est une échappatoire salutaire. Les lumières installent parfaitement les ambiances : adieux déchirants, départs heureux, voyage coincé au milieu de parfaits inconnus… D’ailleurs, la scénographie est remarquable, avec une belle patine du temps et des accessoires bien choisis. Le contenu des bagages dévoile aussi merveilleusement les personnages.

© Alexandre Galliez

À elle seule, la vidéo de Johnny Ranger vaut le détour. Elle apporte profondeur, perspective et poésie à l’ensemble. Le grain de l’image, de nombreux effets spéciaux et l’habillage vintage apportent un précieux supplément d’âme. Plus que des illustrations, les fenêtres qui s’ouvrent permettent à l’imaginaire de se déployer. Et le lien avec l’action sur scène est particulièrement travaillé, comme les raccords entre les pylônes (à l’image) et les passerelles ou portiques, sur lesquels évoluent les acrobates. Magnifique !

À l’instar de la mise en scène, les voltiges contribuent à assurer les transitions, très soignées. Et c’est fort bien chorégraphié, sur une bande son travaillée (créations originales et reprises de Creep de Radiohead, Burma-Shave de Tom Waits).

Oui, ça roule ! Bien que déboussolé, on est vraiment ravi d’être là et, comme le public qui exulte, pas pressée de quitter cet excellent collectif, juste de passage à Paris mais en tournée en France. 🔴

Léna Martinelli


Passagers, Les 7 Doigts

Site de la compagnie
Site de Blue Line Productions
Idée originale : Shana Carroll
Mise en scène et chorégraphie : Shana Carroll, assistée d’Isabelle Chassé
Avec : Sereno Aguilar Izzo, Louis Joyal, Maude Parent, Samuel Renaud, Sabine van Rensburg, Brin Schoellkopf, Conor Wild, Freyja Wild
Scénographie : Ana Cappelluto
Direction musicale : Colin Gagné
Vidéo : Johnny Ranger
Lumière : Éric Champoux
Costumes : Camille Thibault-Bédard
Entraîneur chef : Francisco Cruz
Durée : 1 h 30
Tout public dès 7 ans

La VilletteEspace Chapiteaux • 211, av. Jean Jaurès • 75019 Paris
Du 9 novembre au 4 décembre 2022, mercredi et vendredi à 20 heures, samedi à 19 heures, dimanche à 16 heures, relâche les lundis et mardis
De 10 € à 26 €
Réservations : 01 40 03 75 75 ou en ligne

Tournée ici :
• Les 8 et 9 décembre, Le Moulin du Roc, à Niort (79)
• Le 13 décembre, Centre Culturel Aragon Triolet, à Orly (94)
• Les 16 et 17 décembre, Château Rouge, à Annemasse (74)
• Du 20 au 23 décembre, Théâtre de l’Archipel, à Perpignan (66)
• Le 10 janvier 2023, Théâtre Thionville (57)
• Les 13 et 14 janvier, Espace Jean Legendre, à Compiègne (60)
• Le 17 janvier, Espace René Cassin, à Fontenay-le-Comte (85)
• Le 20 janvier, Centre Culturel, Les Herbiers (85)
• Le 31 janvier, Théâtre en Dracénie, à Draguignan (83)

Captation disponible sur France TV jusqu’au 01/02/23 (produit par Wahoo)

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