Julie Duclos, Maeterlinck et les amours interdites
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
On ne lit plus guère l’œuvre de l’écrivain symboliste Maurice Maeterlinck. Au Festival d’Avignon, Julie Duclos monte cependant « Pelléas et Mélisande », sans effacer tout à fait l’aspect compassé de sa poésie.
Un chasseur solitaire arpente une forêt touffue où les rayons du soleil ont bien du mal à pénétrer. Il trouve au bord du ruisseau une jeune fille terrorisée, en larmes. La cause de ses peurs ne nous est pas donnée, mais la fragilité des femmes dans un monde dur, dominé par les hommes, se trouve suggérée. Golaud parvient à apprivoiser Mélisande, la ramène au château et l’épouse. Le conte médiéval tourne rapidement au drame, dès lors que Pelléas, le frère de Golaud, s’éprend de la jeune femme.
Julie Duclos emploie habilement la vidéo pour peindre une nature sombre et belle, étouffante et mystérieuse, où les gouffres et les grottes recèlent de terribles périls. Elle recourt aussi à cette forme pour scruter les visages de ses acteurs sur le plateau. Ainsi, l’extérieur est dangereux, l’intérieur oppressant : nul espace de liberté. Mélisande le répète en boucle : « je ne suis pas heureuse ».
Souffler sur la poussière
D’où vient que la pièce ne convainc guère ? Le langage compassé de l’auteur, que la metteuse en scène respecte à la lettre, mais aussi le propos lui-même, y sont pour beaucoup. Le temps s’est arrêté et tout le monde languit. Mélisande se meurt d’amour sans même le savoir. Alors, un léger ennui s’installe, une difficulté à éprouver de l’empathie pour ces héros incapables de fuir la malédiction, de s’ouvrir à leurs sentiments, et réduits sans cesse à l’impuissance. Quand la violence tant attendue surgit, elle ne parvient pas à surprendre.
Les personnages, pourtant portés par des acteurs brillants, peinent à toucher. Ni Alix Riemer en Mélisande inadaptée au monde qui l’accueille et l’enferme, ni Vincent Dissez qui interprète avec intelligence les errances psychologiques de Golaud, entre jalousie morbide et culpabilité poisseuse, ne nous font croire à leurs personnages. Reste le patriarche, incarné par l’excellent Philippe Duclos, dont la douleur face à l’effondrement est palpable. Les qualités ne manquent pas, mais le spectacle gagnerait à plus de vigueur et de liberté face à un auteur légèrement poussiéreux. ¶
Trina Mounier
Pelléas et Mélisande, de Maurice Maeterlinck
Mise en scène : Julie Duclos
Avec : Vincent Dissez, Philippe Duclos, Stéphanie Marc, Alix Riemer, Matthieu Sampeur, Émilien Tessier et, en alternance, Clément Baudoin, Sacha Huyghe, Eliott Le Mouël
Durée : 2 heures
La FabricA • 11, rue Paul Achard • 84000 Avignon
Du 5 au 10 juillet 2019, à 18 heures
Dans le cadre du Festival d’Avignon