Et Pan dans le mille !
Par Vincent Morch
Les Trois Coups
Bobino propose en cette fin d’année une reprise de l’adaptation du chef-d’œuvre de James Matthew Barrie, « Peter Pan », par Guy Grimberg. Ce spectacle soigné et joyeux, à destination des enfants mais pas seulement, constitue à n’en pas douter une belle idée de cadeau pour les fêtes.
Dès le lever de rideau, la qualité formelle du spectacle saute aux yeux : le décor de la chambre de la fratrie Darling où débute l’action est bien pensé, bien réalisé, les costumes d’époque des acteurs sont soignés. Ce souci se révélera une constante de la pièce. Tous les tableaux, tous les personnages recevront un traitement de belle facture : entrée de la grotte des Enfants perdus, pont du Jolly Roger, équipe des enfants, des pirates, des Indiens… Ces efforts contribuent à créer une jolie atmosphère poétique, dont l’un des acmés est la scène où Peter apprend à Wendy et ses frères à voler.
À ce plaisir esthétique ne tarde pas à s’ajouter celui que procure le talent des acteurs. Qu’il tienne un premier rôle ou un rôle secondaire, chacun fait preuve d’une grande implication et allie à la justesse de son jeu un enthousiasme communicatif. La cohésion et la joie de jouer ensemble ne sont pas l’un des moindres plaisirs que cette troupe remarquable m’a procurés. Il faudrait y rajouter des aptitudes avérées de danseurs et d’interprètes, qui servent à la perfection des chorégraphies et des mélodies sympathiques et variées. Mes acteurs, mes moments préférés ? L’excellent Capitaine Crochet (Jeannel), la tendre Wendy (Delphine Le Moine), toute la troupe des Enfants perdus, la danse de Lili la Tigresse.
Remarquons que le spectacle est tout autant sur scène que dans la salle, remplie d’enfants très jeunes qui expriment avec toute la spontanéité de leur âge les émotions que leur inspirent les rebondissements de l’action. Le sommet de cette communion fervente est atteint lorsque Peter s’apprête à boire la potion empoisonnée qu’a laissée à son intention le Capitaine Crochet : sans que Thibaut Boidin n’ait rien à faire, des avertissements fusent çà et là de la salle et se transforment bientôt en une immense clameur. Celle‑ci est ensuite canalisée vers le personnage (imaginaire) de Clochette qui, pour sauver Peter, est censée avoir bu elle‑même le poison : pour revivre, elle a besoin que les enfants crient leur foi dans l’existence des fées. Les murs de Bobino en tremblent sûrement encore.
Les enfants le lui rendent au centuple
Mais si cette adaptation de Peter Pan a été bâtie pour les enfants – et si ceux‑ci le lui rendent au centuple –, elle n’a pas pour autant été trop édulcorée. La mort, par exemple, y est évoquée de façon explicite, car c’est d’une lutte à mort qu’il s’agit entre les Enfants perdus et les pirates en général, et entre Peter et le Capitaine Crochet en particulier. Celle‑ci, d’ailleurs, est évoquée par Peter avec une telle innocence, et avec tant de joie, qu’elle en glace le sang plus efficacement que n’importe quelle description morbide. Par l’évocation de cette thématique, le Peter Pan de Guy Grimberg conserve sa parenté avec celui de Barrie – personnage aux ambiguïtés insondables.
En guise de petit bémol, certains pourront peut‑être sourire, d’autres même s’agacer, du personnage de Wendy : il illustre en effet une conception de la femme essentiellement maternelle, dans l’acception hypertraditionnelle du terme. Si la jeune fille qu’est Wendy est initiée à sa vie d’adulte grâce à ses aventures au Pays imaginaire, celle‑ci se résumera à tenir le rôle de femme au foyer. Néanmoins, ce désir d’amour maternel, exprimé avec autant de force que de fraîcheur aussi bien par les Enfants perdus que par les pirates, finit par remuer quelque chose de très profond. Contre toute attente, ce qui n’était qu’un spectacle pour enfants fait surgir une émotion puissante, submergeante – un rapide et bouleversant flash‑back sur cette période où, soi‑même, on se sentait un peu un Enfant perdu…
Moi, j’y emmène mon neveu ! ¶
Vincent Morch
Peter Pan, spectacle musical de Guy Grimberg, d’après James Matthew Barrie
Mise en scène : Guy Grimberg
Adaptation française : Martine Nouvel
Avec : Thibaut Boidin, Delphine Le Moine, Christophe Jeannel, Émilie Vidal, Marie de Oliveira, Sarah Filc, Carole Malmezac, Audrey Fayolle, Aurore Maunier, Églantine Labille, Régis Chaussard, Christophe Tourand, Gilles Pugibet, Philippe Ferreira, Deen Abboud, Vanessa Cailhol, Guy Grimberg
Chorégraphies : Johan Nus
Musique : Serge Léonardi
Chansons : Martine Nouvel (paroles) et Guy Grimberg (musique)
Le rap : Martine Nouvel (paroles) et Dimitri Lefebvre (musique)
Création décors : Guy Grimberg
Réalisation décors : Antoine Jayez et Gilles Pennaneac’h
Création costumes : Guy Grimberg
Réalisation costumes : Corinne Joubert et Régina Gothe
Son : Virgile Hilaire
Lumières : Stéphane Pitot
Effets spéciaux : Gérard Rocher
Chorégraphie combats : David Grolleau et Frédéric Laforet
Coach vocal : Olivier Podestà
Photos : © D.R.
Bobino • 20, rue de la Gaîté • 75014 Paris
Réservations : 08 2000 9000
À partir du 6 octobre 2012, tous les samedis et tous les jours des vacances scolaires à 14 heures
Durée : 1 h 30
37 € | 22 €