« Pinocchio », de Joël Pommerat, d’après Carlo Collodi, Ateliers Berthier à Paris

Pinocchio © Élisabeth Carecchio

Un « Pinocchio » accusateur plus que responsable

Par Pascale Ratovonony
Les Trois Coups

On ne présente plus la célèbre histoire du pantin de bois qui aspire à devenir petit garçon, devant surmonter pour cela les tentations du mensonge et de la paresse. Joël Pommerat fait du conte une métaphore de l’enfant devant le miroir aux alouettes, que lui tend la société de consommation.

Qui a en mémoire un théâtre pour enfants bêtifiant et simpliste trouve une jolie reformulation du genre dans la mise en scène de Joël Pommerat. Sur un plateau nu, noir et résonnant comme une piste de cirque mordue par des cercles lumineux, apparaissent et disparaissent, comme par enchantement, arbres gigantesques, scènes de cabaret, camions, bancs de l’école, manèges furieux, glissantes nappes d’écume.

Se faufile, entre ces éléments évocateurs, une troupe d’acteurs au jeu sincère et sans concession, et en cela infiniment respectueux de son jeune public. « Il faut toujours dire la vérité » martèle le narrateur du conte au début du spectacle : et c’est exactement ce que font les comédiens, incarnant les sottes réactions du petit pantin et de ses compagnons avec beaucoup de dureté et de réalisme. Et il semble que les enfants apprécient l’honnêteté de l’intention, à l’image de Milos, 9 ans, qui dit avoir aimé les décors, les costumes et le travail des acteurs, même si, précise-t-il, « la bande-son était vraiment assourdissante ».

Et c’est un peu ce que, en définitive, on peut reprocher le plus à ce spectacle : de faire entendre une idée en la matraquant jusqu’à faire mal aux oreilles, au lieu de la démontrer de manière simple et intelligible. Répétant à satiété qu’il « faut aller à l’école » sous peine de devenir des esclaves – ce qui est effectivement l’un des messages de Pinocchio, message plus qu’utile au demeurant dans la société actuelle –, le narrateur semble, à l’instar de l’ensemble de la pièce, faire porter aux enfants l’entière responsabilité d’un éventuel échec. Le personnage de Gepetto est à cet égard révélateur : faible, d’emblée dépassé par les exigences de son « fils », impuissant face à la pression du monde extérieur, il semble signifier que les parents sont a priori incapables, et que les enfants ont le devoir de s’éduquer tout seuls…

C’est là peut-être où, sous prétexte de « parler vrai », la pièce tombe dans ce simplisme qu’elle semblait tant vouloir éviter : l’opposition manichéenne, entre des adultes déresponsabilisés et des enfants d’emblée en charge de leur avenir, revient à rendre les enfants coupables s’ils ne sont pas en mesure de supporter ce poids (leur propre éducation !), qu’ils n’ont normalement pas à porter. Et s’il est vrai qu’aujourd’hui bien des parents brillent par leur absence, par leur incompétence ou par leur manque d’amour, il aurait été plus judicieux d’intégrer ce fait à la pièce comme une anomalie critiquable, et non comme un constat faisant de l’adulte un être infantile qu’il faille, à l’instar de Gepetto, ménager, prendre en pitié et remplacer… 

Pascale Ratovonony


Pinocchio, de Joël Pommerat, d’après Carlo Collodi

Cie Louis-Brouillard

En résidence au Théâtre Brétigny, scène conventionnée du Val-d’Orge et au Théâtre des Bouffes-du-Nord à Paris

Mise en scène : Joël Pommerat

Avec : Pierre‑Yves Chapalain, Jean‑Pierre Costanziello, Florence Perrin, Maya Vignando, en alternance Daniel Dubois ou Philippe Lehembre

Scénographie : Éric Soyer

Lumières : Éric Soyer, assisté de Renaud Fouquet

Musique : Antonin Leymarie, enregistrée par Shan Lefrant (soubassophone et tuba), Brice Pichard (trompette), Adrien Amey (saxophone), Gabriel Levasseur (accordéon), Fidel Fourneyron (trombone), Scaba Palotai (guitare), Rémi Sciuto (vents et scies musicales), Mathieu Ha (voix), Antonin Leymarie (compositions, percussions)

Son : François Leymarie, Grégoire Leymarie, Yann Priest

Mannequins, animaux : Fabienne Killy, assistée de Laurence Fourmond

Costumière : Marie‑Hélène Bouvet, assistée d’Élisabeth Cerqueira

Réalisation du costume de la fée : Jean‑Michel Angays

Iconographie : Isabelle Deffin, Matthieu Roy

Réalisation des décors : atelier de construction du C.D.N. de Caen

Régie plateau : Jean‑Pierre Costanziello, Lorenzo Graouer

Habillage, couture : Hélène Delaporte

Réalisation des accessoires : Thomas Ramon, patine : Frédérique Bertrand

Secrétariat général : Anne de Amézaga

Direction technique : Emmanuel Abate

Photo : © Élisabeth Carecchio

Administration : Jean‑François Louchin

Secrétariat et organisation : Léa Franc, Katia Massé

Odéon, Ateliers Berthier • 8, boulevard Berthier • 75017 Paris

Réservations : 01 44 85 40 40

Du 8 au 22 mars 2007, à 15 heures les mercredi et dimanche, à 15 heures et 20 heures les samedis

Durée : 1 h 10

26 € | 13 € | tarif spécial adulte avec enfant 9 € et 18 €

Reprise du 5 décembre 2015 au 3 janvier 2016

http://www.theatre-odeon.eu/fr/2015-2016/spectacles/pinocchio

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