Une Rose pleine de piquant
Par Anne Cassou-Noguès
Les Trois Coups
La mise en scène de « la Belle au bois dormant » par la compagnie La Belle Affaire n’est ni bêtifiante ni vulgaire et échappe ainsi aux travers de beaucoup d’adaptations de contes de fées pour enfants, que ce soit au théâtre ou au cinéma.
La princesse Rose est victime dès sa naissance d’une malédiction. La méchante fée Nepenthes lui annonce qu’elle se piquera le doigt à l’aube de ses seize ans et qu’elle en mourra. La charmante mais maladroite fée Mimosa ne peut qu’atténuer le sort. Grâce à elle, Rose ne rendra pas le dernier soupir pas mais s’endormira pour cent ans, avant qu’un prince ne vienne l’éveiller d’un baiser.
Tout le monde connaît cette histoire, me direz-vous, et il ne semble guère utile de la résumer. De là à penser qu’il est également fastidieux d’assister au spectacle, il n’y a qu’un pas ! Mais il serait malheureux de le franchir. L’adaptation de Cindy Rodrigues, qui se présente comme « une version de la célèbre histoire des frères Grimm, qui bouscule les codes du conte de fées avec humour et poésie », est en effet pleine d’originalité. Ainsi, les personnages se trouvent dotés d’un caractère insolite. Lors de la célèbre scène du rouet, par exemple, Rose refuse d’essayer le fuseau. Les fées l’ont faite parfaite… et obéissante. Elle respecte l’interdiction de filer la laine que lui ont faite ses parents, et ce d’autant plus volontiers que Nepenthes a choisi de la laine rêche au lieu d’un doux cachemire. Voilà une remarque qui fera sourire les mères plus que les petites filles, mais les unes comme les autres sont conviées à apprécier le spectacle.
Le prince Christian n’est pas un héros aussi fort que téméraire. C’est un jeune homme délicat mais non moins charmant. Il hésite à embrasser une jeune fille endormie, et c’est tout à son honneur. Le public est donc invité à prendre du recul par rapport aux stéréotypes du conte et ce dès le début du spectacle, quand la fée Mimosa s’interroge sur l’obligation de commencer son récit par « Il était une fois… ». Nous n’irons pas jusqu’à dire que la représentation propose une réflexion sur les genres littéraires, ce serait exagéré, mais elle permet aux enfants d’avoir une distance critique sur leurs lectures et les histoires qui leur sont familières.
Ce pourrait être fort ennuyeux si les trois comédiens ne déployaient pas de multiples stratégies pour capter l’attention. Tout d’abord, ils abattent avec enthousiasme le quatrième mur. Le premier personnage à faire son apparition n’est pas une fée, mais une interprète qui doit jouer le rôle d’une fée, et qui a perdu ses chaussures. Elle arpente la salle, bouscule les spectateurs dans une joyeuse confusion. Elle établit ainsi une complicité avec le public, dont elle se servira pas la suite. De plus, les trois comédiens recourent à différentes formes d’expression. Acteurs, ils sont aussi marionnettistes ou mimes. Le prince affronte la fée Nepenthes dans un combat en ombres chinoises, ce qui permet une fausse violence et des effets comiques.
Alors Rose au bois dormant est un formidable spectacle à apprécier en famille, les enfants étant aussi charmés que leurs parents. On aurait d’autant plus tort de s’en priver que À la folie Théâtre est un lieu accueillant, à taille humaine, dans lequel les plus jeunes se sentent les bienvenus. ¶
Anne Cassou-Noguès
Rose au bois dormant, d’après les frères Grimm
Mise en scène : Cindy Rodrigues
Collaboration artistique : Juliette Ordonneau
Avec en alternance : Juliette Ordonneau, Chloé Chaze, Anne‑Véronique Brodsky, Johanne Teste, Nicolas Fantoli, Mathieu Graham
Création lumière : Yann Gacquer
Costumes : Alice Schnebelen
Photos : © Margot Simonney
À la folie Théâtre • 6, rue de la Folie-Méricourt • 75011 Paris
Réservations : 01 43 55 14 80
Site du théâtre : http://www.folietheatre.com/
Du 6 janvier au 3 avril 2016, les mercredi, samedi et dimanche à 15 heures (vacances scolaires : du lundi au vendredi à 14 h 30, samedi et dimanche à 15 heures)
Durée : 55 min
Tarif adultes : 10 €
Tarif enfants : 8 €