Sélection Occitanie fait son cirque en Avignon, Festival Off Avignon

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Si t’es cirque, théâtre !

Par Laura Plas
Les Trois Coups

Rien de mieux pour dénicher une pépite théâtrale, que d’aller… au cirque. « L’Hiver rude », kaléidoscope dadaïste de La Générale Posthume, et « A Snack to be », opus burlesque de La Main s’affaire, en sont la preuve. Deux pièces de cirque bourrées d’énergie et d’humour !

« L’Hiver rude » : attentat au rire noir contre le patriarcat

Impossible de catégoriser L’Hiver rude. Le spectacle, coup de poing contre le patriarcat, laisse K.O et déçoit toute tentative d’assignation à un genre. On en sort estomaqués et transportés. Dans un salon de l’agriculture ? Un village français occupé ? Un roman de Dostoïevski ? Car la pièce est un tourbillon porté par l’énergie de quatre interprètes épatant.es. Cette réflexion brechtienne sur l’histoire du cirque en révèle aussi les carcans virilistes et les fait voler en éclats… de rire. Dès lors, l’humour noir et décalé apparaît comme un barrage aux larmes.

Les quatre articien.nes (sic) sont à la fois acrobates et musicien.nes, à la régie et en lumière : faites péter les hiérarchies ! Et en plus de rire (force du clown dadaïste), quand on n’a pas les larmes aux yeux (pouvoir du théâtre), on prend du beau en pleine face. La régie lumière s’avère délicate. Elle permet de créer le trouble sur le genre d’un.e trapéziste ou de percevoir l’aube d’un matin d’exécution, par exemples.

L’or et les broderies élimées des costumes traditionnels de cirque créent une ambiance, comme les quelques accessoires soigneusement choisis : cheval de bois, bouquet. On pense au cirque Trottola. Les chansons sont par ailleurs poignantes et fort bien interprétées, au point qu’on aimerait trouver la B.O du spectacle. Libre, échevelée, L’hiver rude est donc une création en prise avec son époque. Elle fait respirer plus large et ouvre la voie à un cirque post-genres.

« A Snack to be » : the cirque to see

Ça se passe dans un snack, un lieu de passage et de consommation, sans âme. Plastique, néons et distributeur de boissons infectes. C’est l’auberge espagnole des ultramodernes solitudes. En effet, un soir, s’y retrouvent l’agent d’entretien du lieu, un squatteur haltérophile venu de l’Est, une miss gel hydroalcoolique, une autostoppeuse et une damoiselle un peu vulgaire, dont c’est justement l’anniversaire.La fête va pouvoir commencer. Peu à peu, l’espace vide s’emplit, les solitudes se frottent et s’entrechoquent pour faire surgir la vie. On pense beaucoup aux pièces de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, pour son timing, ses personnages burlesques, sa tendresse pour ces fleurs d’autoroutes que l’on ne voit pas, mais aussi pour le soin de la mise en scène et de la scénographie. 

L’art de la « loose »

D’abord, le plateau est un ouvroir à gags : ses automates entretiennent des relations complexes avec les humains, voire s’autonomisent. La machine à café, en particulier, regorge de surprises qu’on ne révèlera pas. Disons seulement qu’elle en vient à badiner avec la borne de satisfaction smiley des sanitaires. Y a de l’amour dans l’air, y compris dans les circuits ! Le mobilier, qui regorge de cachettes, se métamorphose selon la fantaisie des personnages. Compartimenté, l’espace permet en général le surgissement ou la diffraction des vues.

Quant aux interprètes, ils composent une galerie de vies minuscules et attendrissantes. Mention particulière pour Guillaume Mitonneau, formidable roi de la loose. On sent la patte de Philippe Nicole, maître d’œuvre des 26000 couverts. La dramaturgie ménage un crescendo savant, car la pièce commence tout doucement, pour finir dans une sorte de transe joyeuse et collective. En une courte heure, on chantera Joe Dassin en russe, on dansera, on se portera, dans tous les sens du terme.

Ce n’est peut-être que le rêve d’un homme ridicule, qui sait ? Du moins, le spectateur aura-t-il bien vécu un moment de liesse et de tendresse. Alors, on sélectionne évidemment le smiley « vous êtes vraiment, vraiment hyper satisfait ». 🔴

Laura Plas


L’Hiver rude, La Générale Posthume

Site de la compagnie
De et avec : Elvis Buczkowski et Bambou Monnet
Durée : 57 minutes
À partir de 12 ans
Du 9 au 21 juillet 2022 (relâches les 12 et 17), à 11 heures
Dans le cadre du Festival Off Avignon
Plus d’infos ici

A Snack to be, de La Main s’affaire

Site de la compagnie
Écriture : Stéphane Dutournier et Laure Sérié
Mise en scène : Philippe Nicolle
Avec : Nina Couillerot, Stéphane Dutournier, Priscilla Matéo, Guillaume Mitonneau, Laure Sérié
Durée : 1 h 05
À partir de 5 ans
Du 9 au 21 juillet 2022 (relâches les 12 et 17), à 17 h 30
Dans le cadre du Festival Off Avignon
Plus d’infos ici

L’Occitanie fait son cirque en Avignon • 22, chemin de l’Île Piot • 84000 Avignon
De 6 € à 16 €
Réservations : 05 55 00 98 36

À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Focus Occitanie fait son cirque en Avignon, Île Piot , à Avignon, par Laura Plas
☛ La nuit du cirque 2021, Territoires de Cirque, par Florence Douroux

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