« Toute l’émotion du fado », par Katia Guerreiro, Opéra de Rennes

Katia-Guerreiro

L’Opéra fait un triomphe au fado

Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups

Katia Guerreiro est toujours médecin urgentiste. Mais, en moins de vingt ans, elle s’est imposée comme l’une des plus grandes voix du fado. L’Opéra de Rennes l’accueille dans le cadre de son programme « Divas du monde ».

Le fado, c’est l’expression de la saudade portugaise qu’Aznavour décrit comme « une nostalgie qui submerge son objet même », tandis qu’Étienne Daho évoque « un état de tristesse absolue mais combien voluptueuse ». Mélancolie garantie, donc, conséquence très souvent d’un chagrin, d’une déception d’amour. Soit.

Katia Guerreiro nous montre ce soir que le chagrin d’amour peut aussi s’exprimer avec ironie, mais dans l’allégresse, comme dans « As Quatro Operações » (paroles de Vasco Graça Moura, l’un des piliers de la littérature portugaise, et musique de Tiago Bettencourt avec Pedro de Castro, l’un des deux joueurs de guitare portugaise). Le rythme est également rapide et plutôt léger dans « Fados dos contrarios », un texte offert par son ancien professeur de philosophie. Une forme d’alacrité, d’enjouement se dégage même du jeu des guitares dans « A janela do meu peito », célèbre fado créé par la grande Amalia Rodrigues, l’une des références de Katia Guerreiro.

Le fado, ce peut être aussi l’expression d’une intense et rayonnante joie intérieure. « Nesta noite », qui évoque la nuit ardente après la naissance de la fille de l’artiste, le prouve de façon remarquable. Enfin, « Fado da noite que nos fez », l’un des plus anciens fados connus, alterne des passages enlevés et d’autres plus calmes.

Katia Guerreiro © Noemi Sanchez
Katia Guerreiro © Noemi Sanchez

Une grande voix à la palette étendue

Katia Guerreiro est mise en valeur par des lumières très étudiées, jouant savamment avec le clair obscur et les profils découpés au couteau. Surtout, la chanteuse fait entendre une voix puissante, plutôt grave, avec une sorte de fêlure qui peut la rendre déchirante. Une voix au service de poètes, d’autres auteurs de fado ou de ses propres textes. Sa palette vocale étendue, énergique sans être dénuée de douceur, passe avec aisance du fortissimo, au murmure de la confidence. Elle s’exprime aussi bien lorsqu’elle est portée par son quatuor de guitares qu’a cappella.

En outre, la chanteuse est servie par un remarquable ensemble de cordes, dont la cohésion fait plaisir à voir et à entendre : Enrico Machado & Pedro Castro (guitares portugaises), Francisco Gaspard (guitare basse) et Joao Veiga (guitare classique). Joao Veiga, le directeur artistique du groupe, écrit le texte de « Incerteza » et la musique de « Tenho uma saia rodada » avec la chanteuse. Pedro Castro signe, lui aussi, de nombreuses musiques.

Le public de l’Opéra de Rennes a fait un véritable triomphe à la diva portugaise, répétant les ovations debout et obtenant trois rappels, dont « Lisbonne » de Charles Aznavour, interprétée en français avec une force et une émotion rares. 

Jean-François Picaut


Toute l’émotion du fado, par Katia Guerreiro

Avec : Katia Guerreiro (chant), Enrico Machado & Pedro Castro (guitares portugaises), Francisco Gaspard (guitare basse) et Joao Veiga (guitare classique)

Durée : 1 h 30

Photo : Katia Guerreiro © Noemi Sanchez

L’Opéra de Rennes • Place de l’Hôtel de Ville • BP 3126, • 35031 Rennes Cedex

Le mardi 17 avril 2018, à 20 heures

De 9 € à 27 €

Réservations : 02 23 62 28 28

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