Scène de crime
Par Bénédicte Fantin
Les Trois Coups
Le monologue de Rémi De Vos a été écrit pour Juliette Plumecocq-Mech, sur une commande de Christophe Rauck, directeur du Théâtre du Nord à Lille et metteur en scène. La performance de la comédienne s’inscrit dans une mise en scène sobre et percutante qui donne brillamment à entendre le texte du dramaturge contemporain.
Un marquage à la craie épouse le corps d’un homme étendu à terre. Sa voix étrange et caverneuse se met à résonner. Cloué au sol, la victime entreprend le récit de l’agression qui l’a menée là. On revit la scène depuis l’apostrophe haineuse et arbitraire dans un bar jusqu’à la course poursuite dans une ruelle sombre. L’homme acculé retrace sa traque avec l’énergie du désespoir. Il raconte la peur, l’incompréhension, l’injustice absolue, mais aussi le pouvoir de la parole qui lui permet de retarder le déchaînement de la violence latente. Le contraste entre l’urgence du récit et l’implacable horizontalité de la comédienne produit un effet tragique : le personnage a beau se débattre, la chute a déjà eu lieu.
L’interprète, un « véhicule poétique »
Juliette Plumecocq-Mech est impressionnante de force, aussi bien dans sa posture physique – au sol, certes, mais toujours en mouvement – que dans sa capacité à assumer le texte. Sa voix grave et sa diction nette créent les conditions d’une écoute attentive du public. Par ailleurs, l’androgynie de la comédienne, qui se considère comme un « véhicule poétique » au-delà des genres, donne une charge universelle au propos.
Le monologue, écrit durant la période des attentats de Charlie Hebdo, interroge notre rapport à la peur et notre réponse face à l’extrême violence. Malgré la noirceur de la situation, la comédienne parvient à déclencher des rires, en donnant vie à un personnage touchant et sensible, assailli par l’incompréhension.
Ses tentatives désespérées pour donner un sens à la barbarie l’amène à interpeller le public à plusieurs reprises. La sincérité de l’interprétation provoque une telle empathie avec le personnage de la victime que l’on sort du spectacle quelque peu sonné. Comme si nous avions, nous aussi, essuyé les coups. ¶
Bénédicte Fantin
Toute ma vie j’ai fait des choses que je savais pas faire, de Rémi De Vos
Le texte est édité chez Actes-Sud Papiers
Mise en scène : Christophe Rauck
Avec : Juliette Plumecocq-Mech
Son : David Geffard
Lumières : Bernard Plançon
Collaboration chorégraphique : Claire Richard
Photo : © Simon Gosselin
Théâtre du Rond‑Point • 2 bis, avenue Franklin D.Roosevelt • 75008 Paris
Métro : Franklin D.Roosevelt, Champs-Élysées Clémenceau
Du 9 janvier au 4 février 2018, du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, relâche les lundis et le 14 janvier, puis tournée
Durée : 50 minutes
31 €
Réservations : 01 44 95 98 21
À découvrir sur Les Trois Coups
☛ Occident, de Rémi De Vos, par Michel Dieuaide