Maurice Pottecher
sur tous les fronts
Par Cédric Enjalbert
Les Trois Coups
Trois formes courtes accompagnent toute la saison d’été les deux spectacles longs joués au Théâtre du Peuple : un récital, un spectacle pour enfant et un montage de textes en hommage à Maurice Pottecher.
Vincent Goethals a donné à la saison d’été du théâtre de Bussang un air heureux de festival. En ajoutant aux deux spectacles habituellement représentés sous la magique charpente de bois du Théâtre du Peuple des petites formes, spectacles courts qui tournent toute l’année dans la région, il en a gonflé l’envergure. Cette année, aux côtés d’un tour de chant reprenant des airs de Kurt Weill et d’autres, d’un théâtre d’objets à destination du jeune public, Vincent Goethals présente également Un d’eux, nommé Jean, dont il signe la mise en scène.
Cette courte pièce créée en hommage au fondateur du Théâtre du Peuple repose sur montage de textes issus de poèmes de Maurice Pottecher et d’extraits de sa correspondance avec son fils, Jean Pottecher, enrôlé durant la Première Guerre mondiale. L’ingénieuse scénographie réduite à quelques éléments et la distribution à deux comédiens et une musicienne a permis au spectacle de tourner dans la région, dans les lieux publics mais aussi chez les particuliers ; une initiative qui prolonge la vocation du Théâtre du Peuple tout au long de l’année : contre l’abêtissement, « par l’art et pour l’humanité », comme le veut la formule.
Sur scène, un duo bien rôdé : René Bianchini incarne Maurice Pottecher, en bon père, vieillard chenu et lyrique, bouleversé par le départ de son fils pour le front ; Ulysse Barbry, qui a animé les ateliers toute l’année auprès des jeunes au Théâtre du Peuple, se glisse dans la peau de ce jeune fils enthousiaste, tantôt gagné par la colère tantôt par la mélancolie. Aux récits de tranchées les plus prosaïques maudissant la boue et les poux se mêlent les ardeurs poétiques, louant la beauté d’un paysage, d’un matin enneigé, la camaraderie de régiment. De ces grands écarts, les deux comédiens, convaincants, tirent souvent le meilleur et parfois le pire, lorsque abandonnés au sentimentalisme, et soutenus par les cordes sensibles du violoncelle, ils redoublent d’intentions pour accentuer une émotion que le texte seul suffit à insuffler.
Un texte dont le montage suscite par ailleurs une réserve. Car entre les récits des atrocités de la guerre, de son horreur, s’insèrent des élans appelant à la défense de l’esprit national et de la mère patrie. Glissés dans la bouche du jeune fils Pottecher, auquel toute notre sympathie est bien vite acquise, ces élans dénotent avec la tonalité d’ensemble. Une question enfin : pourquoi avoir préféré ces textes sur la guerre, certes en rapport avec l’Allemagne, mais qui donnent à cette saison anniversaire un air de requiem, aux pièces peut-être surannées mais aussi fantaisistes, exotiques et rurales de Maurice Pottecher ? Sans doute ce corpus oublié renferme-t-il de séduisantes curiosités. ¶
Cédric Enjalbert
Un d’eux, nommé Jean, d’après Maurice Pottecher
Adaptation : Marie-Claire Utz
Mise en scène : Vincent Goethals
Avec : René Bianchini et Ulysse Barbry
Au violoncelle : Camille Gueirard
Costumes : Madeleine Lecomte
Photo : © J.-Jacques Utz
Théâtre du Peuple – Maurice-Pottecher • 40, rue du Théâtre • 88540 Bussang
Réservations : 03 29 61 50 48
Les 29, 30, 31 juillet et les 1er, 5, 6, 7, 8, 12, 13, 14, 15, 19, 20, 21, 22 août, mercredis, jeudis, vendredis et samedis à 15 heures