« Une folie », de Sacha Guitry, Théâtre Darius‑Milhaud à Paris

Sacha Guitry © Unifrance.org

Faux lit ou l’effet surprenant du divan

Par Chloé Chochard‑Le Goff
Les Trois Coups

Le divorce n’est pas encore un mot qui court sur toutes les lèvres ou qui fait la une des journaux. Bien au contraire ! Que de messes basses autour de ce mot qui défie les convenances. C’est avec humour que Sacha Guitry brise ce tabou. Et bien que la pièce ait plusieurs décennies, on ne peut s’empêcher de lui trouver un petit côté actuel.

Le Dr Flache est psychiatre. Enfin, plus pour longtemps, puisqu’il décide de mettre de côté ses patients, sa maison et sa « pseudo-infirmière ». Mais qu’imagine-t-il ? Qu’on peut l’oublier immédiatement ? C’est précisément a ce moment-là qu’il voit débarquer dans son cabinet un couple. Chacun le voyant séparément expose les problèmes de l’autre, n’hésitant pas à traiter de fou sa moitié. Le Dr Flache n’aurait certainement pas hésité à les jeter dehors si le charme de la jeune dame ne l’avait pas foudroyé.

Sur fond de comédie, cette pièce porte sur un moment important de la vie du couple. Après quelques années de vie commune, les manies de l’autre, sa façon d’être agacent. Ce qui est troublant, c’est que les deux personnages ont parallèlement la même vision de leur conjoint. Leur propre défaut les énerve. Plus qu’une remise en question de leur couple, c’est un retour sur eux-mêmes qu’ils doivent effectuer. Si l’un manque de confiance et se repose sur le psychiatre – allant jusqu’à croire qu’il a du sang napoléonien dans les veines –, l’autre ne cache pas son désir d’aller faire quelques confidences au docteur ailleurs que sur le divan.

L’évolution du spectacle semble rythmée par les différentes couleurs de robe de Missia, la femme du couple. Des couleurs trompeuses, car si sa robe est blanche au début, tout ne va pourtant pas pour le mieux. Et si elle la troque contre une noire à la fin, c’est davantage pour enterrer son récent mariage que pour le célébrer. Sacha Guitry nous donne son avis sur le divorce. Après une évocation de l’adultère, les personnages avouent que cela ne changera rien à leur couple. S’ils ont un(e) amant(e), c’est pour mieux se séparer de l’autre. Un couple qui bat de l’aile et dont le mariage permettrait d’en finir, dixit le Dr Flache. Pour mieux divorcer ensuite, bien sûr.

La pièce en quatre actes se déroule dans le petit bureau du psychiatre. Scène réduite mais sur mesure pour ce « règlement de comptes » intime. Ce huis clos permet aux personnages de se laisser aller aux confessions, à des actes défiant leur propre personnalité. La petite salle dans laquelle est assis le public le place aux premières loges. Il se fait voyeur l’espace d’une heure et demie, car quoi de plus privé qu’un cabinet de psychiatre ? Et c’est comme pris en faute qu’il réagit lorsque les comédiens le prennent soudainement à partie.

L’interprétation est vivante, dynamique, proche de l’hystérie. Mais une douce hystérie, justifiée par la folie supposée des patients, mais aussi celle contractée par le Dr Flache après tant d’années à cotoyer ces « nerveux ». Son nom est d’ailleurs tout à son image, on hésite entre flèche pour sa rapidité (et non sa droiture, que l’amour des femmes courbe un peu), et flash pour son tempérament crépitant, passant de l’impassibilité à une vive agitation. Le jeu des comédiens est parfait : François Pomès en psychiatre légèrement détraqué ; Julie Rey‑Camet, ancienne désaxée dont la plus grande peur est de voir partir son cher docteur avec une autre ; sans oublier bien sûr Thierry Simon, Maud Ferrer et Ambre Bruyat, dont la justesse des tons et des manies nous conquiert.

Douce folie. Folie douce. Cette libération des émotions délivre aux spectateurs un moment de pur bien-être, dont on sort un peu plus fou qu’avant. 

Chloé Chochard‑Le Goff


Une folie, de Sacha Guitry

Le (petit) Théâtre des Quatre

Mise en scène : Annie Blasco et Pascal Verrax

Avec : Ambre Bruyat, Maud Ferrer, François Pomès, Julie Rey‑Camet, Thierry Simon

Théâtre Darius‑Milhaud • 80, allée Darius‑Milhaud • 75019 Paris

Réservations : 01 42 01 92 26

Du 19 octobre au 22 décembre 2007, vendredi et samedi à 21 h 15 (relâche le 24 novembre)

Durée : 1 h 30

17 € | 13 € | 8 €

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