Le festival du cirque sous toutes ses formes
Est-ce bien le seul festival où l’on peut voir des spectacles sous chapiteau dans la capitale ?
Des chapiteaux existent, mais permanents, comme à La Villette ou au Cirque Électrique. Nous, nous accueillons des chapiteaux itinérants. Ainsi, sera-t-il possible d’assister aux premières parisiennes d’Hourvari, un conte désobéissant et impertinent, 12 artistes au plateau qui s’interrogent sur l’artifice et l’authentique, l’agitation et la fragmentation des existences(lire la critique de Laura Plas). Nous sommes heureux·ses d’inviter à nouveau Marie Molliens, figure du cirque contemporain (nos publics ont déjà pu apprécier Oraison). Rasposo, c’est aussi une famille. Ses caravanes jouxteront son beau chapiteau.
« Hourvari », Rasposo © Ryo Ichii
Les écritures propres au chapiteau sont donc au centre du projet, même si nous sommes ouverts à d’autres formats, comme les déambulations, des grands ou petits formats. Au-delà des chapiteaux nous aimons nous échapper en forêt également. Cette année, Les Colporteurs nous y mèneront, avec Blob. Cette créature étrange explore son environnement, le jauge, et tente d’entrer en contact avec lui. À son rythme. Blob se réinvente continuellement. Instinctif et bienveillant, il improvise en se nourrissant des interactions avec le vivant, nature, arbres, humains, animaux.
Avec la création artistique, votre moteur est le partage, semble-t-il ?
La piste de cirque, espace un peu magique, est ouverte, conviviale, porteuse de rêves partagés. Les artistes sont au plus près des spectacteur·ices. On voit les réactions du public en face de nous. Il existe une réelle porosité des espaces. En tout cas, on aime cette ambiance unique qui favorise les rencontres et procure un sentiment de communauté. Le but est de mélanger les publics, d’intéresser un maximum de gens différents et d’ouvrir les imaginaires avec une programmation éclectique.
Village de Cirque 2019 © Philippe Deutsch
Le Village de cirque c’est aussi un espace éphémère à vivre au-delà des spectacles. À l’ombre des arbres et des chapiteaux, les gens peuvent s’installer et profiter de la vie, venir boire un verre, manger entre ami.es, y compris le dimanche (brunchs préparés avec amour par Le Cirke). Beaucoup d’ateliers, avec des propositions originales, commecelle de Titanos, y contribuent. Cette compagnie crée un espace de rencontre, 100 % coloré, 100 % bonne ambiance, où l’on peut bricoler en passant de bons moments (Pistacol). Quant à Carrousel, il est né de l’a(rt)ccumulation de matières mi-volées, mi-récupérées, sauvagement assemblées. Cette attraction porte un coup fatal à l’image figée du manège !
Vous qualifiez le contenu de la programmation de « formes, hybrides, singulières ». C’est-à-dire ?
Ici, en lisière de forêt, on est un peu hors du temps, mais pas de notre époque. Le cirque contemporain est prolixe, inventif, en prise avec l’actualité. Ainsi, voyageons-nous avec le Cirque Queer dès leurs débuts. Après son premier opus et une carte blanche dans l’espace public, nous sommes très heureux·ses de pouvoir accueillir un format cabaret « néo-traditionnel », Il n’y a pas que les chattes qui ont 9 vies. Ses membres vont passer en revue toutes les vies possibles. Leurs vies subies, fantasmées, sublimées, sacrifiées, volées, leurs vies colères et lumières. Pour le DJ set, le cirque Queer nous invite à « enfiler notre habit de lumière (ou de gouttière) et à venir danser ! ». Ouvert à toustes.
« Il n’y a pas que les chattes qui ont 9 vies » © Cirque Queer ; « Mon royaume pour un cheval », Cie La Bossue © Marc Lahore
Vous entretenez des relations sur la durée, mais prenez aussi des risques. La confiance est-elle votre mot-clé ?
Nous faisons le pari de la création. Cela fait partie de notre ADN. D’où l’intérêt pour les compagnies émergentes. Cette année, 3 compagnies à l’affiche de Village de Cirque ont été accueillies en résidence RueWATT. C’est le cas de Julieta Salz, interprète dans la compagnie de Raphaëlle Boitel et Bastien Dausse, et dont c’est la première création. Son solo (Mon royaume pour un cheval) se déploie dans un castelet, une scène portable aux multiples cadres, trappes et lucarnes. Un minuscule royaume qui semble étonnamment peuplé (lire la critique de Stéphanie Ruffier).
9.8 est un appel à l’aventure, une ligne invisible qui relie le ciel et la terre, mais aussi deux corps amis, complices. Cette quête de l’origine explore la verticalité et la suspension de la corde lisse et s’empare petit à petit de la gravité comme d’un tremplin pour se propulser dans les airs. À (re)voir, car c’est une reprise ! Charge maximale de rupture est un cirque indiscipliné et persévérant auquel nous portons attention depuis plusieurs années maintenant.
« 9.8 », Charge maximale de rupture © Pio Morales ; Daniel Kvašňovský © Nina Castiglia
Enfin, pouvez-vous nous présenter Daniel Kvašňovsky ?
J’ai eu la chance de le découvrir à l’Espace Périphérique. Cet ancien de l’Académie Fratellini, est soutenu par La Cascade PNC Ardèche Auvergne-Rhône-Alpes. Nous avons souhaité lui confier une Carte blanche pour la soirée d’ouverture et donner à voir son travail. Ce n’est donc pas un spectacle en soit, plutôt l’occasion d’appréhender son univers. Quelque part, entre la piste de cirque et la bergerie du solstice d’hiver, ce clown non clownesque offre un tableau onirique baroque. À la fois timide et excentrique, il porte avec lui toute son histoire, en espérant trouver sa place sur scène, dans le monde. Une figure absurde oscillant entre minimalisme et paillettes !
En fait, le Village de Cirque est le temps fort d’une saison dense. Présentez-nous les activités phares de De Rue et De Cirque.
Ces résidences qui nourrissent nos projets émanent de RueWATT, un nouvel équipement dédié à la création à Paris. Il est l’aboutissement d’un projet porté par De Rue et De Cirque en direction des arts du cirque, de la rue et de l’espace public qui a été inauguré en 2023. Nous organisons aussi au printemps un autre temps fort axé arts de la rue et un temps fort cirque en Seine-et-Marne au printemps. RueWATT est également un lieu dédié à la pratique amateur avec des ateliers et stages tout au long de l’année, ainsi qu’un espace d’accueil pour nos projets menés en milieu scolaire et auprès de nos partenaires sociaux. Un lieu de vie, de rencontre et d’échange.
RueWATT, c’est 500 m2 d’espaces de travail entièrement aménagés (salles de création, transmission, bureaux, espace commun, loges, cuisine…) et ouverts sur l’espace public. Cette fabrique artistique est implantée au cœur du XIIIe arrondissement, un territoire largement arpenté par la Coopérative depuis plus de 10 ans, en lien avec les habitant·es et les acteur·rices culturel·les ou sociaux du quartier.
Ajoutons, et c’est important, le soutien indispensable des pouvoirs publics (la Ville de Paris, la Région, la DRAC), ce qui nous permet la gratuité sur de nombreuses propositions. Alors, venez en nombre, on vous attend !
Propos recueilllis par Léna Martinelli
Village de Cirque
21e édition, du 12 au 21 septembre 2025
Site de la Coopérative De Rue De Cirque
Toute la programmation ici
Pelouse de Reuilly, Paris 12
Infos pratiques ici
Réservations : Tel. : 01 46 22 33 71 • Billetterie en ligne • Sur place avant les représentations (dans la limite des places disponibles)
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Village de Cirque 2024, reportage de Lena Martinelli
Photo de une : © Coopérative De Rue et De Cirque
