Génital, gastrique et peu théâtral
Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups
Depuis dix ans, le pamphlet dramatique à l’emporte-pièce de l’auteur britannique Mark Ravenhill ne cesse pas de séduire les compagnies théâtrales à la recherche d’une œuvre provocante. Le jeu en vaut-il toujours la chandelle ?
Sous la houlette de Amine Kidia, metteur en scène, la Dôze Compagnie s’y essaye à son tour. Convaincue de la radicalité toujours intacte de l’écriture, l’équipe artistique fait le pari d’une théâtralité brute. Pas de costume, de décor et de lumière. Des corps et des voix. Rien d’autre pour vomir, chier et éjaculer les violences d’une société occidentale prête à tout pour défendre son modèle démocratique. Cinq textes choisis parmi les dix-sept écrits par Ravenhill se chargent d’instruire comme dans un tribunal le procès d’un monde à bout de souffle. Le réquisitoire progresse avec la finesse d’un lourd engin de chantier, multipliant les banalités, écrasant toute analyse sous le poids des gros mots. War and Breakfast impose de pénibles variations trash sur le thème surexploité de la bonne conscience occidentale, et prend le risque, à rebours de ses intentions, de justifier qu’on renonce à se battre et qu’on retourne au confort égoïste de son cher breakfast.
Claire-Marie Daveau, Jessica Deniaud, Marie Devroux, Pierre Laloge (remarquable dans les spectacles de Gwenaël Morin), Amine Kidia, Lucile Marianne et Savannah Rol se dépensent sans compter sur le plateau ; nul ne peut leur reprocher leur engagement pour le contenu de la pièce de Mark Ravenhill. Ce qui entache leur travail, c’est, sous prétexte de rendre compte d’un théâtre cru et choquant, de n’avoir rien d’autre à jouer que des situations répétitives et sans nuances. Hurler de douleur, vomir ou brutaliser sont les seuls instants qui permettent aux comédiens d’échapper sensiblement à la litanie pesante du texte. Leur générosité fait peine à voir tant il semble que la mise en scène manque d’une lecture plus élaborée, accompagnée de choix maîtrisés d’interprétation. Dommage ! ¶
Michel Dieuaide
War and Breakfast, de Mark Ravenhill
Traduction : Marc Goldberg, Catherine Hargreaves, Dominique Hollier, Gisèle Joly, Séverine Magois, Sophie Magnaud, Blandine Pélissier
Mise en scène : Amine Kidia
Avec : Claire-Marie Daveau, Jessica Deniaud, Marie Devroux, Pierre Laloge, Amine Kidia, Lucile Marianne, Savannah Rol
Durée : 1 h 30
Théâtre des Clochards Célestes • 51, rue des Tables Claudiennes • 69001 Lyon
Photo : © Antoine Mazuric
Réservations : 04 78 28 34 43
Du 15 au 22 septembre 2017 à 19 h 30, samedi et dimanche à 16 h 30, relâche le mardi
De 8 € à 15 €
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