« Yo Gee Ti », de Mourad Merzouki, Montpellier danse, Opéra Berlioz-Le Corum à Montpellier

« Yo Gee Ti » © Michel Cavalca

Avec Mourad Merzouki, le danseur devient le musicien de la lumière

Par Fatima Miloudi
Les Trois Coups

« Yo Gee Ti », le nouveau spectacle du chorégraphe Mourad Merzouki a subjugué le public montpelliérain lors de la nouvelle édition du festival Montpellier danse 2012. De la magie qui tire les yeux.

D’étranges concrétions de laine sont suspendues à des hauteurs différentes au-dessus de la scène, sorte d’amas organiques ou fossilisés qui terminent d’épaisses lianes blanches. Sur le sol, une ligne de danseurs, corps déjà fantasmagoriques, se déplace selon une posture incongrue : comme des insectes à la carapace renversée, ils démultiplient les gestes. Le sol, tel un glacis, dédouble par le reflet les corps en mouvement. C’est une ondulation virtuose. Dans une ambiance nocturne, le jeu du corps et de la lumière va ouvrir la rétine du spectateur.

Mourad Merzouki frappe fort et vite. La vue et l’ouïe – voir en référence les envoûtants choix musicaux – forment une alchimie fascinante. Le premier tableau sidère littéralement, stupéfiant le spectateur. La beauté succède à la beauté. Ce ne sera, d’un bout à l’autre, qu’un enchaînement de tableaux qui impressionnent les sens. Tandis qu’un duo se déploie à l’avant-scène, laissant à présent le corps se libérer dans sa longueur, un ensemble aggloméré fond en un tout qui meut la troupe franco-taïwanaise. On croirait percevoir les mouvements d’une flamme, par les échappées des bras et des mains. Quand l’œil s’est presque accoutumé au tournoiement des bras – l’un dans l’autre, rappelant en cela les concrétions suspendues, fils de laine amassés en un tout sinon informe ou difforme, du moins dérangeant toute notion catégorielle de forme –, quand l’œil, donc, s’est presque accoutumé, le geste devient plus carré. Ainsi de la course au ralenti qui exprime l’impression de la vitesse avec le déplacement des bras et les mouvements secs et réguliers des coudes.

Le musicien de la lumière

Mourad Merzouki sait estomper les limites entre une danse et une autre. Il réussit la fusion des particularités, des traditions et des innovations dans un ensemble où, peu importe la provenance, il ne s’agit que de voir ce qui fait désormais l’unité dans le mélange. Au-delà de la danse elle-même, le chorégraphe unit les arts : le danseur devient le musicien de la lumière. Les concrétions du styliste et designer taïwanais Yohan Ku prennent la forme de structures vestimentaires stylisées, issues de ses collections. La scénographie déroule le fil et joue des effets optiques, les deux voies, d’ailleurs, du travail du styliste. Tantôt un fil retenant la taille des danseurs structure l’espace ; tantôt des rideaux de fils sont tressés par trois couples de danseurs, créant, peu à peu, une forêt de feuillus pour un duo amoureux. La forêt tournoie et se fige, momentanément, en trois rangées d’arbres. Puis, le rideau devient instrument sous l’attouchement des mains ou des corps qui passent. Plus tard, deux danseurs à chaque extrémité d’un rideau tendent une corde, et le rideau, sous l’effet de l’ondulation provoquée et de la lumière projetée, devient une architecture autonome.

Ce ne sont là que des instants magiques parmi d’autres. Des danseuses à robes de fils de laine laisseront la place à de fugaces derviches tourneurs tout de noir vêtus. Et ce n’est qu’après les applaudissements, au moment de la revue des danseurs, que l’on identifiera les spécificités de chacun. Mourad Merzouki, l’enchanteur, à offrir à tous les yeux. 

Fatima Miloudi

Lire entretien avec Mourad Merzouki, 17 septembre 2009.


Yo Gee Ti, de Mourad Merzouki

Montpellier danse, 32e édition

Centre chorégraphique national de Créteil et du Val‑de‑Marne / Cie Käfig

Direction artistique et chorégraphie : Mourad Merzouki

Assisté de Marjorie Hannoteaux

Musique : A.S.’N.

Musiciens : Fabrice Bihan (violoncelle), Dorian Lamotte (violon), Yi‑ping Yang (percussions)

Musiques additionnelles : Ludovico Einaudi, Marc Mellits, le trio Joubran

Interprétation : Kader Belmoktar, Hung‑ling Chen, Bruce Chiefare, Sabri Colin, Erwan Godar, Yi‑chun Hsieh, Han‑hsin Kan, Hsin‑yu Kao, Nicolas Sannier, Chien‑wei Wu

Lumières : Yoann Tivoli

Assisté de Nicolas Faucheux

Scénographie : Benjamin Lebreton avec la collaboration de Mourad Merzouki

Feutre artisanal : Élisabeth Berthon et Chloé Lecoup pour Morse Felt Studio, Johan Ku Design Ltd

Costumes : Johan Ku Design Ltd

Régie lumière : Yoann Tivoli

Régie son : Christophe Germanique

Régie plateau : Benjamin Lebreton

Photo : © Michel Cavalca

Production : Centre chorégraphique national de Créteil et du Val‑de‑Marne / Cie Käfig

Commanditaire : National Chiang Kai‑shek Cultural Center

Coproduction : Festival Montpellier Danse 2012, Maison des arts de Créteil, Fondation B.N.P.‑Paribas

Opéra Berlioz-Le Corum • esplanade Charles-de-Gaulle • 34000 Montpellier

Réservations : 08 00 60 07 40

www.montpellierdanse.com

Vendredi 22 et samedi 23 juin 2012 à 20 heures

Durée : 1 h 10

De 20 € à 35 €

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