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« Cabaret Lip », de la compagnie L’Occasion, lycée Pasteur à Besançon

Cabaret-Lip-Loccasion © PHilippe Hauger

Classe de lutte

Par Stéphanie Ruffier
Les Trois Coups

Dans un cabaret « où l’on danse les mains sales », un pétillant trio féministe et transformiste parcourt la légendaire histoire du combat des ouvriers de l’horlogerie Lip. Pour continuer à jouer, comme pour relancer l’usine : à corps vaillants, rien d’impossible !

Un bon coup de pied dans le défaitisme ambiant, voilà ce qu’assène ce spectacle tout terrain qui se saisit de l’esthétique du cabaret berlinois des années 30. Elles sont trois jeunes comédiennes qui osent, pour terrasser la résignation, bas résille, gants de velours et aisselles au naturel. Mobiles et mobilisées, elles imposent leur vitalité dès l’accueil du public. C’est la crise, on baigne dans le marasme économique et social : masques partout, théâtre nulle part ? Elles sont là, pourtant, solidement campées devant nous à balayer le sentiment d’impasse, d’un rond de jambe ou d’un tour de chant. Jouer ? Elles le font, regardez.

Cette utopie qui se matérialise dans la salle d’un lycée bisontin, rare lieu de diffusion possible, s’appuie sur l’énergie brute du cabaret. On y retrouve les ingrédients qui inspirent le théâtre épique : présence d’une bonimenteuse qui brise le quatrième mur, usage des songs, alliés à des changements rapides de registres. On fait avec ce qu’on a, à savoir trois fois rien : une table, trois chaises, quelques bleus de travail et des moustaches postiches. Au centre, trois corps et de la parole portée haut. Le théâtre d’agit-prop n’est pas loin. D’entrée, sous les néons blafards – brechtiens en diable – les filles font vlam ! Splatch ! Chtuck ! Il faut les voir, tout sourire, regard malicieux, jouant des clichés sexy, déployer leur énergie histrionique. Leur complicité au plateau constitue en soi un acte militant.

« On fabrique, on se vend, on se paie »

Ce plaisir collectif de retrouver de la puissance d’agir constitue le fondement politique de l’histoire de la lutte des Lip, ces ouvriers qui se sont réappropriés leurs outils et leur force de travail. Quelle pertinence, en ces temps d’inquiétude et de frémissement contestataire, de réaffirmer la force du théâtre comme de l’entraide : donner à voir des scènes de désaliénation, faire résonner des voix résistantes, injecter de l’humour et de la vitalité.

Cabaret-Lip-Loccasion © PHilippe Hauger
© Philippe Hauger

Au gré de numéros de danse bien troussés, de « magie tantra » et d’assemblées générales impromptues où émergent des figures locales, les valeurs et les épisodes glorieux de cette singulière révolte de prolétaires nous sont contés : la séquestration des chefs, la cachette du trésor de guerre – un stock de montres -, l’organisation en autogestion, la vente sauvage, le refus des rachats dégradants, la fameuse « marche des 100 000 » sous la pluie battante… Une belle invitation à l’autonomie en rouge et noir !

Comme durant les années folles qui virent la forme du cabaret berlinois émerger en Allemagne, notre époque se prête bien à cette forme simple et leste où se croisent historiettes défendant l’émancipation féministe, tableaux plus visuels et échanges de points de vue. Elle pourrait frayer partout : rue, ZAD, appartements, théâtres improvisés… La volonté pédagogique de ces filles de Lip est assumée. Le jeu, un peu didactique, bénéficie d’un plaisir franc de l’incarnation et de clins d’œil bienvenus à l’actualité : lutte contre la bétonisation des Jardins des Vaîtes, occupation du CDN

Ce spectacle frais et rythmé réaffirme que l’art, refuge et exutoire, vient titiller sans relâche notre volonté de participer à la société. Il est suivi d’une sensibilisation au débat participatif. Avec Cabaret Lip, le printemps est bien là : la relève est assurée et le féminin s’impose. 

Stéphanie Ruffier


Cabaret Lip, de la Cie L’Occasion

Conception : Adèle Ratte

Œil extérieur : Céline Chatelain

Avec : Jeanne Lambey, Elise Hudeley, Adèle Ratte

Temps pédagogique : Gaëlle Hauger

Durée : 45 minutes 

À partir de 11 ans

Lycée Pasteur • 4, rue du Lycée • 25000 Besançon

Vendredi 19 mars

Ce spectacle, accueilli par l’option théâtre, bénéficie du soutien du Conseil Général du Doubs dans le cadre de « Collèges en scènes »

Tournée

  • Le 25 mars 2021 au collège Denis Diderot, Besançon (25)
  • Le 1er avril au collège Pierre-Joseph Proudhon, Besançon (25)

Dates à venir au lycée de Salins-Les-Bains (39) et dans des lieux alternatifs

À découvrir sur Les Trois Coups :

☛ Occupation du centre dramatique national de Besançon, par Stéphanie Ruffier

☛ Fado dans les veines, de Nadège Prugnard, par Stéphanie Ruffier

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