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« Campana », du Cirque Trotolla, le Centquatre à Paris

Cirque-Trottola-Campana

Cirque Trotolla : gonflé !

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Le Cirque Trotolla est enfin de retour ! Singulier, ce cirque-là est sombre mais profondément humain.

Déjà, quelle idée d’installer un chapiteau au milieu du 104 ! Dans cet espace fait sur mesure, deux personnages en quête de lumière, venus d’ailleurs, débarquent. Ils en ont traversé, des villes englouties, et bravé, des tempêtes… Jouant avec les trappes, leurs apparitions ménagent leur lot de surprises, des dessous aux dessus. Contre les idées arrêtées, ils cherchent à atteindre des sommets.

Bonaventure Gacon et Titoune sont les deux formidables interprètes qui nous ont déjà fait vibrer dans Matamore. Autour de ces piliers de la compagnie, tous deux clowns-acrobates de talent, les multi-instrumentistes facétieux Thomas Barrière et Bastien Pelenc les accompagnent. Perchés dans leur orchestre – un bric-à-brac insensé – ces musiciens frappadingues passent du clavier au violon ou des percussions au jeu de cloches, quand ils ne prêtent pas main forte au couple.

Cirque-Trottola-Campana
« Campana », du Cirque Trotolla © Philippe Laurençon

Montée en puissance progressive

Sonnés, ils le sont tous dans Campana (cloche en italien), depuis ses compagnons de cordée jusqu’au couple fondateur. Et gonflés à bloc ! Avec sa dégaine de bûcheron, Bonaventure Gacon ne s’en laisse pas conter. Échelle, brouette, guindes, poulies… rien ne lui résiste. Sa partenaire, atypique elle aussi, est plus triste que bougon, mais quel esprit frondeur avec ses faux airs felliniens à la Giuletta Massina ! Tout aussi maladroite, bien que moins rustique, elle réalise des prouesses. Entre le bourru au cœur tendre et le clown blanc candide, le duo fonctionne parfaitement.

Le temps passe et la patte Trottola demeure inchangée, faite d’exploits virtuoses et de petits riens. Malgré l’apparente désinvolture, les numéros sont épatants. On relève beaucoup de portés acrobatiques, un peu de trapèze volant, des numéros de clown, et chaque tableau fournit l’occasion de renouveler les agrès.

Dans leur quête ascensionnelle, ils prennent le temps de leurs savants échafaudages. Alors, quand la cloche monumentale (600 kg, conçue spécialement par la fonderie des cloches de Notre-Dame) fait entendre son tocsin, on réalise combien ils sont finauds, ces deux-là. Bruts de décoffrage mais ô combien spirituels. Entre deux mondes, tout peut basculer.

L’amour du cirque

Ces deux gus nous emportent d’autant plus dans un tourbillon d’émotions que leur amour du cirque est palpable. As de la bricole, ils réinventent la scénographie classique. D’ailleurs, le dispositif scénique est toujours leur point de départ. Dans Matamore, la scène était une arène où le spectacle était joué en contre-plongée. Ici, le cercle – symbole de la piste, dont ils aiment redessiner les contours – leur permet d’explorer jusque dans les bas-fonds, les abysses de l’âme humaine, sans omettre de pointer les dérives sociétales, la fuite du temps, la fin d’un monde.

Avec humour, mais non sans mélancolie, ils font de nombreux clins d’œil au cirque traditionnel, comme cet hommage lumineux à l’Auguste, une espèce en voie de disparition qui brille envers et contre tout, au même titre que l’éléphant, dont le beau spécimen gonflable ravit le public. C’est aussi plus facile à dresser ! Le Cirque de la Trotolla (toupie en italien) préfère les pirouettes au grand discours qui dénoncent un monde qui ne tourne franchement pas rond.

Au coude-à-coude, éclairés par ces loupiottes, les spectateurs se laissent volontiers porter, eux aussi, par ces envolées poétiques. Le temps est suspendu, propice au recueillement. On vous l’a dit : ils sont gonflés ces artistes-là ! 

Léna Martinelli


Campana, du Cirque Trotolla

Site de la compagnie ici

En piste : Titoune, Bonaventure Gacon

Aux instruments : Thomas Barrière, Bastien Pelenc

Régie lumière et son : Joachim Gacon-Douard

Fille de piste : Jeanne Maigne

Costumes : Anne Jonathan

Équipage chapiteau : Sara Giommetti, Guiloui Karl, Florence Lebeau

Conseillers techniques, artistiques et acrobatiques : Jérémy Anne, Florian Bach, Filléas de Block, François Cervantes, Grégory Cosenza, François Derobert, Sara Giommetti, Pierre Le Gouallec, Nicolas Picot

Constructions : Scola Teloni, CEN. Construction, Atelier Vindiak & Lali Maille

Maître d’art : Paul Bergamo – Fonderie Cornille-Havard 

Le Centquatre-Paris • 5, rue Curial • 75019 Paris

Avec le Théâtre de la Ville

Du 23 novembre au 22 décembre 2018, du mardi au samedi à 20 heures, relâches les lundis, jeudis et dimanches, puis tournée

Durée : 1 h 15

De 10 € à 22 €

Réservations : 01 53 35 50 00

À partir de 10 ans


À découvrir sur Les Trois Coups :

☛ Par le Boudu, de Bonaventure Gacon, par Léna Martinelli

☛ Les Clowns, de François Cervantes, par Léna Martinelli

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