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« En attendant les beaux jours », de Chloé Chevalier, conservatoire d’art dramatique à Avignon

Plateau théâtre

« Je suis une ratée ! »

Par Vincent Cambier
Les Trois Coups

Il est des découvertes qui font le miel du « critique », qui le requinquent les soirs de blues. C’était le cas, le 13 octobre 2004, avec le spectacle de Chloé Chevalier, jeune comédienne prometteuse d’Avignon.

En attendant les beaux jours est le résultat du projet professionnel de Chloé Chevalier, qui clôt ses études d’art dramatique au conservatoire d’Avignon, dirigé par Pascal Papini.

Au début, après le « noir » initial, c’est comme si un tableau d’Edward Hopper vivant, au réalisme épuré, nous sautait aux yeux. Avec la même angoisse urbaine. Mme X. – le seul personnage de la pièce – est dans son gourbi, réinventé avec une grande force d’évocation par Chloé Chevalier. Ce lieu de vie est envahi par un amas de trucs, de sacs plastiques, « rangés » par Mme X. avec une cohérence qui n’appartient qu’à elle. J’y perçois sa boulimie de vie, sa fringale d’aventures mordorées. Sa manière, aussi, de se construire une carapace, sa façon d’effacer sa solitude de femme par ces entassements d’objets. Qui nous renvoie, peut-être, à notre besoin compulsif d’avoir plutôt que d’être. Quête incessante et vouée à l’échec.

Dans son « costume », je crois reconnaître tout de suite une personne seule habituée à déambuler dans la rue, par tous les temps. En plus coquet, tout de même. Une femme a priori sans beaucoup d’illusions sur la vie, sur l’amour, sur la mort… Une femme un peu rêche, un peu abrupte, que nous n’avons pas forcément envie d’aimer au premier abord. Qui, apparemment, ne s’aime pas non plus : « Je suis une ratée ! », dit-elle à un moment. En même temps – et cela se confirme au fil de la pièce –, nous devinons une créature blessée, intelligente, résistante aussi, et lucide sur ses choix de vie. Attachante, donc.

La mise en scène, très frontale, nous assigne le statut de voyeurs. Elle pointe malicieusement notre regard sans aménité sur les marginaux. Plus généralement, elle valorise le texte, qui prend racine dans la réalité, qui puise dans l’humain. Et y greffe des pousses de poésie…

Chloé Chevalier (Mme X.), à la blondeur fragile apparente, m’évoque un coquelicot sous la lumière. Elle en a le rouge de la détermination, l’éclat du talent affiné inlassablement par un labeur obstiné, la rude tendresse du soc affûté qui creuse la terre de l’art encore et encore. Ainsi, la jolie comédienne nous apporte un beau spectacle mûr et doré. Et goûteux, car il a été cultivé avec l’amour de l’autre, pour nous l’offrir, nous en restituer l’émotion, nous en faire sentir le rire, la peine qui s’en exhalent.

À bientôt, l’artiste, j’espère vite vous revoir rougeoyer dans l’ombre de la scène, votre vrai pays. 

Vincent Cambier


En attendant les beaux jours, de Chloé Chevalier

Avec : Chloé Chevalier

Conservatoire d’art dramatique • 4, rue Bertrand, salle Tomasi • Avignon

Tél. 04 90 85 80 87

Le spectacle va se rejouer au Théâtre le Fenouillet, quartier Fenouillet • 26160 Saint‑Gervais-sur‑Roubion

Tél. 04 75 53 84 74

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