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« Forêts », de Wajdi Mouawad, les Célestins à Lyon

« Forêts » © T. Baron

Une force hors du commun

Par Patricia Lavigne
Les Trois Coups

Après « Littoral », en 1997, et « Incendies », en 2003, Wajdi Mouawad poursuit son exploration du thème de l’héritage et de la transmission avec « Forêts », troisième partie de sa future tétralogie. À travers des allers-retours entre présent et passé, France et Québec, il nous dévoile, tel un archéologue, une histoire poignante, d’une vérité et une profondeur rares.

Auteur et metteur en scène de la pièce, Wajdi Mouawad voit l’écriture comme une quête. Celle d’une beauté nouvelle, « un poisson-soi », à pêcher « dans le chaos des vagues immenses des choses anciennes ». Alors, la représentation théâtrale devient « la marée basse où est échoué pour un temps le poisson-soi pêché par l’écrivain ».

Même si elles se situent sur deux plans différents, la quête de Wajdi Mouawad et celle de Loup, l’héroïne adolescente de Forêts, se ressemblent. L’un et l’autre désirent ramener en surface une chose dont ils ne savent rien sinon qu’elle est belle, dangereuse et essentielle. Pour ce faire, il leur faut affronter les ténèbres et les tempêtes de l’inconscient, le premier à travers l’imagination, la seconde en parcourant le dédale généalogique de sa famille et les méandres de l’Histoire avec un grand H.

Loup préférerait éviter cette plongée effrayante. Mais l’existence ne lui laisse pas le choix : pour se réconcilier avec la vie, elle devra reconstruire malgré elle le passé de ses ancêtres, découvrir leurs secrets et leurs folies. De 1870 à nos jours, réapparaissent alors cinq générations qui se succèdent ou se superposent, parlant toutes toujours et encore des mêmes choses : la vie, la mort, l’amour, les promesses tenues ou trahies.

Le texte possède une poésie et une force hors du commun. Résolument moderne, mêlant expressions québécoises et françaises d’aujourd’hui, il n’en rappelle pas moins la profondeur et la puissance d’évocation de certaines tragédies classiques. Il est servi par une scénographie ingénieuse, presque cinématographique, qui permet au spectateur de ne jamais se perdre dans les différents espaces temporels et géographiques cohabitant sur le plateau.

Onze comédiens talentueux donnent vie à dix‑sept personnages pour cette véritable fresque dramatique s’étalant plus d’un siècle. Des atrocités de la guerre au bonheur d’une girafe quand tombe la pluie, nous voyageons au cœur de la vie et de l’âme humaine dans toute son horreur et sa beauté pendant près de quatre heures. Sans nous ennuyer une seule seconde.

Pas étonnant dans ces conditions que la salle entière se soit levée en fin de représentation pour applaudir et rappeler plusieurs fois sur scène les comédiens qui avaient su lui donner tant de joie. 

Patricia Lavigne


Forêts, de Wajdi Mouawad

Mise en scène : Wajdi Mouawad

Avec : Jean Alibert, Olivier Constant, Véronique Côté, Yannick Jaulin, Jacinthe Lagüe, Linda Laplante, Patrick Le Mauff, Marie‑France Marcotte, Bernard Meney, Marie‑Ève Perron, Emmanuel Schwartz

Assistant à la mise en scène et régie : Alain Roy

Dramaturgie : François Ismert

Décors : Emmanuel Clolus

Costumes : Isabelle Larivière

Lumières : Éric Champoux

Son : Michel Maurer

Musique originale : Michael Jon Fink

Maquillages : Angelo Barsetti

Tenue du texte : Valérie Puech

Photos : © T. Baron

Direction de production : Anne‑Lorraine Vigouroux

Administration au Québec : Maryse Beauchesne

Les Célestins • 4, rue Charles‑Dullin • 69002 Lyon

Réservations : 04 72 77 40 00

Du 3 au 12 avril 2008, du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures, relâche le lundi

Durée : 4 heures avec entracte

15 € à 32 € | 13,50 € à 29 € | 10 € à 20 €

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