Vive Mozart
et vive la commedia !
Par Aïda Asgharzadeh
Les Trois Coups
Le Off d’Avignon accueille pour la sixième année consécutive la troupe Comédiens & Compagnie. C’est avec enthousiasme que je me rends à la grande salle du Théâtre des Béliers : le célèbre opéra de Mozart revisité par la commedia dell’arte, un mariage surprenant et prometteur. Effectivement, je ne suis pas déçue. Une heure et quarante minutes de spectacle me renvoient droit à la magie de l’enfance.
Comédiens & Compagnie représentent avec fidélité la trame fantastique de la Flûte enchantée : la Reine de la nuit charge Tamino de délivrer sa fille Pamina du royaume de Sarastro. Accompagné de Papageno, figure de l’humanité ordinaire, Tamino retrouve vite la princesse pour découvrir que Sarastro, gardien du domaine de l’Esprit, symbolise le Bien (le Soleil) et la Reine de la nuit, le Mal (la Lune). Les amoureux changent alors de camp tandis que le véritable coupable, Monostatos, désirant Pamina, est le seul à rester au royaume de la nuit après sa trahison. Nos trois héros doivent alors affronter un parcours initiatique pour accéder à la sagesse et à l’amour.
Mais, ici, Tamino et Pamina sont des jeunes premiers, Papageno l’Arlequin par excellence et Monostatos un méchant Polichinelle… Parti pris astucieux du metteur en scène Jean Hervé Appéré pour toucher un public large, comme le pensait Mozart à l’origine. N’oublions pas que la Flûte enchantée à sa création s’adressait à un public populaire.
Pari tenu : les enfants – et les grands enfants d’ailleurs – s’esclaffent devant les facéties de Papageno. Les mélomanes, comblés par les grands airs de l’opéra, tapotent discrètement le rythme sur le second air de la Reine de la nuit, porté par la voix cristalline d’Anne‑Laure Savigny. Les plus savants perçoivent le combat de la lumière contre la nuit et l’instauration d’un monde nouveau. Et tous sont ébahis du rythme et de l’énergie déployés par cette quinzaine de comédiens et musiciens.
La scénographie est modeste : des tréteaux démarquent l’espace de jeu tandis que trois tétraèdres, peints différemment sur chaque face, créent trois lieux de jeu. Le quatuor à vent bat la mesure côté cour, et les comédiens, côté jardin, ajoutent des effets sonores. La simplicité des décors et des lumières est la bienvenue pour faire contrepoids à cette assemblée fantasque. Celle-ci est accompagnée de quelques ours, lion et sanglier, de marionnettes et de combat de bâtons, d’un dragon blanc articulé par plusieurs comédiens, tandis que le vent en personne fait son apparition.
La fantaisie est au rendez-vous, si bien que l’on distingue entre deux répliques dignes de Beaumarchais une anecdote sur les O.G.M. et les maïs transgéniques ou un Arlequin classique qui s’exerce aussi au kung-fu ! Antoine Lelandais, alias Papageno, est à lui seul un concentré d’énergie à l’imaginaire débordant et maîtrise la gestuelle de l’Arlequin avec dextérité et brio. Frédéric Barthoumeyrou pourrait lui envier sa précision corporelle et prendre exemple pour parfaire la naïveté comique de son jeune premier, néanmoins tout à fait acceptable. Et comment ne pas succomber au charme quand les comédiens eux-mêmes ont les yeux qui pétillent de joie et de plaisir ? Vive Mozart et vive la commedia, comme le tonne Pierre Audigier à la fin du spectacle ! ¶
Aïda Asgharzadeh
la Flûte enchantée, d’après l’opéra de Mozart et Schikaneder
Comédiens & Compagnie • 50, rue des Grillons • 92290 Chatenay‑Mallabry
Correspondance : 6, rue Lagrange • 91170 Viry-Chatillon
06 09 81 78 52
comediensetcompagnie@hotmail.fr
Mise en scène : Jean Hervé Appéré
Assistant à la mise en scène : Gil Coudène
Avec : Fred Barthoumeyrou, Paula Lizana, Antoine Lelandais, Bérangère Mehl, A.‑L. Savigny, Pierre Audigier, Stéphane Debruyne, Marie Némo, Ana Isoux, Agnès Mir, Lucy Samsoën
Équipe musicale : flûte à bec : Ana Isoux ; clarinettes : Vincent Boiseaux, Jonathan Jolin, Nicolas Naudet et Brice Martin ; bassons : Yannick Mariller, Cécile Hardouin, Cécile Jolin ; accordéons : Bruno Luiggi, Sandra Ruiz
Direction musicale : Samuel Muller
Adaptation musicale : Vincent Manac’h
Chant : Jeroen Bredewold, A.‑L. Savigny
Création masques, décors et tréteaux : Stefano Perocco
Création costumes : Delphine Desnus
Pantomime : Valérie Bocheneck
Marionnettes : Emmanuelle Trazic
Danses : Édith Lalonger
Coordination combats : Patrice Camboni
Perruques : Lou-Valérie Dubuis
Création lumière : Edwin Garnier
Photo : © D.R.
Théâtre des Béliers • 53, rue du Portail-Magnanen • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 82 21 07
Du 10 juillet au 2 août 2008 à 15 h 30
Durée : 1 h 30
20 € | 14 €