« le Grand Théâtre du monde » et « Procès en séparation de l’Âme et du Corps », de Calderón, Théâtre national populaire à Villeurbanne

le Grand Théâtre du monde © Christian Ganet

Leçon de casuistique dorée sur tranche

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Christian Schiaretti poursuit son exploration du Siècle d’or espagnol avec deux « actes sacramentels » de Pedro Calderón de la Barca, « le Grand Théâtre du monde » et « Procès en séparation de l’Âme et du Corps ». C’est la jeune troupe du T.N.P. qui incarne ces textes vieux de plusieurs siècles, stigmates d’une culture devenue si lointaine que cette contribution au répertoire chère au metteur en scène est à peine lisible.

Les actes sacramentels auxquels Calderón se consacra à la fin de sa vie, après un début fort en errements et émotions en tout genre, sont de courtes pièces liturgiques destinées à édifier le bon peuple sur les mystères de la foi, à leur enseigner la grandeur de Dieu et la misère du mortel. Et surtout la croyance aveugle en ces mystères inexplicables et incompréhensibles qui constituent le socle de la sainte Église catholique et romaine. Ces pièces en un acte obéissent à des codes très précis : représentées pour la Fête-Dieu, elles mettent en scène sous forme d’allégories les grandes questions (et aussi les réponses) qui surgissent de la lecture de la Bible – pourquoi le purgatoire ? et les limbes ? et la répartition des rôles sur terre ? et, encore, et surtout, comment l’eucharistie, cette merveille du pain changé en corps ?

S’il écrit en pleine Contre-Réforme et s’y inscrit sans difficulté, Calderón, prêtre, est aussi un grand écrivain de théâtre. Certes, le prétexte est solennel, le sens sacré et immuable, le dogme au cœur de tout. Mais son écriture est vivante, ses allégories de vrais personnages et çà et là quelques notes d’humour témoignent, malgré tout, d’une certaine distance vis-à-vis d’un discours pour le moins conservateur…

Travail d’orfèvre

Le Grand Théâtre du monde en effet donne la parole au créateur – Dieu, bien sûr, mais aussi l’auteur, le poète (et pourquoi pas le metteur en scène ?) – qui, après avoir enfermé les hommes dans un ring délimité par une corde, distribue les rôles selon son bon vouloir : à l’un la pauvreté, à l’autre le travail, à tel le pouvoir, à tel autre la richesse, à celui qui n’est pas né et reste en dehors les limbes, c’est-à-dire le néant. Restent encore, incarnées par deux femmes, la Beauté intéressée d’elle-même, et la Sagesse (moralisante et tristounette à souhait). Suivant sa place, l’un est heureux, l’autre mécontent, mais quoi qu’il arrive, après la vie, une seule sortie vers le Jugement, tout aussi inexpliqué et définitif : à l’un le paradis, à l’autre l’enfer.

« Procès en séparation de l’Âme et du Corps » © Michel Cavalca
« Procès en séparation de l’Âme et du Corps » © Michel Cavalca

Quant au Procès, il met aux prises de façon très théâtrale le divorce de ces deux ennemis irréductibles et pourtant si indissolublement liés par la Vie, l’Âme et le Corps, assistés de la Mémoire, de la Volonté, de l’Entendement et du Péché (ouf !)… Seule la Mort, bien sûr, viendra à bout de cette union contre nature. Joies de la rhétorique…

On peut s’interroger sur l’intérêt de mettre en scène ces textes aujourd’hui. Il n’est pas sûr que celui-ci dépasse la seule curiosité intellectuelle pour une œuvre de musée. La prestation théâtrale elle-même peut paraître un peu vaine. Bel exercice pour de jeunes comédiens, certes, bel apport pour un public oublieux de son Histoire. Bel ouvrage que cette traduction dont on saisit toutes les finesses et le travail d’orfèvre de Christian Schiaretti, magnificence des costumes, etc. Mais après ? 

Trina Mounier


le Grand Théâtre du monde suivi de Procès en séparation de l’Âme et du Corps, de Pedro Calderón de la Barca

L’Avant-scène, no 1159

Texte français : Florence Delay

Mise en scène : Christian Schiaretti

le Grand Théâtre du monde

Avec :

  • Jeanne Brouaye *, la Sagesse
  • Maxime Mansion *, le Monde
  • Julien Gauthier *, le Riche
  • Julien Tiphaine, l’Auteur
  • Damien Gouy *, Olivier Borle * (en alternance), le Pauvre
  • Nicolas Gonzales *, Clément Morinière * (en alternance), le Roi
  • Yasmina Remil *, la Loi de grâce
  • Clément Carabédian *, le Laboureur
  • Laurence Besson *, la Voix
  • Antoine Besson *, un enfant
  • Juliette Rizoud *, la Beauté

Photo : © Christian Ganet

Procès en séparation de l’Âme et du Corps

Avec :

  • Jeanne Brouaye *, la Mémoire
  • Nicolas Gonzales *, le Corps
  • Julien Gauthier *, l’Entendement
  • Antoine Besson *, l’Enfant
  • Julien Tiphaine, le Péché
  • Juliette Rizoud *, la Volonté
  • Laurence Besson *, la Mort
  • Clémentine Verdier *, l’Âme
  • Yasmina Remil *, la Vie

* Comédiens de la troupe du T.N.P.

Photo de Procès en séparation de l’Âme et du Corps : © Michel Cavalca

Scénographie et accessoires : Fanny Gamet

Costumes : Thibaut Welchlin

Lumières : Julia Grand

Maquillages, coiffures : Roxane Bruneton

Son : Xavier Jacquot

Assistant à la mise en scène : Baptiste Guiton

Régie générale : Lucie Patat

Production Théâtre national populaire

Avec la participation du conservatoire à rayonnement régional de Lyon

Théâtre national populaire • salle Jean-Bouise • 8, place Lazare-Goujon • 69627 Villeurbanne cedex

Réservations : 04 78 03 30 00

Site du théâtre : http://www.tnp-villeurbanne.com/

Métro : ligne A, arrêt Gratte-Ciel

Bus : C3, arrêt Paul-Verlaine ; bus lignes 27, 69 et C26, arrêt Mairie-de-Villeurbanne

Voiture : prendre le cours Émile-Zola jusqu’aux Gratte-Ciel, suivre la direction hôtel de ville

Par le périphérique, sortie Villeurbanne-Cusset / Gratte-Ciel

Du 5 au 16 février 2013, du mardi au samedi à 20 heures

Durée : 2 h 20 + entracte

25,50 € | 19,50 € | 14,50 €

Autour du spectacle :

Lundi 11 février de 18 h 30 à 21 heures, « Résonance » à l’université Lumière-Lyon-II, grand amphithéâtre : Siècle d’or, quand la religion donne leçon, avec Florence Delay, Christian Schiaretti, Laurent Thirouin, animé par Antonio Mafra

Tournée :

  • Les 10 et 11 janvier 2013 : Théâtre d’Arles
  • Les 14 et 15 janvier 2013 : Scènes du Jura, Dole
  • Du 29 au 31 janvier 2013 : Scène nationale Petit-Quevilly, Mont-Saint-Aignan
  • Du 19 au 24 février 2013 : Théâtre Antoine-Vitez, Ivry-sur-Seine
  • Du 12 au 14 mars 2013 : Le Bateau-Feu, Dunkerque
  • Du 27 au 29 mars 2013 : La Rose des vents, Villeneuve-d’Ascq
  • Les 4 et 5 avril 2013 : Le Vivat, Armentières
  • Le 9 avril 2013 : centre culturel André-Malraux, Hazebrouck
  • Les 12 et 13 avril 2013 : Théâtre Louis-Aragon, Tremblay-en-France
  • Le 24 avril 2013 : Cournon, festival Puy-de-Mômes
  • Du 24 au 26 mai 2013 : Sortie ouest, Béziers
  • Les 30 et 31 mai 2013 : Le Phénix, Valenciennes
  • Du 5 au 7 juin 2013 : Comédie de Picardie, Amiens

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