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« Reflets dans un œil d’homme », de la Cie Diable au corps, Pisteurs d’Étoiles, festival des arts du cirque à Obernai

"Reflets dans un œil d'homme" de la Cie le Diable au corps © Christophe Payot

Le cirque mis à nu

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Des hommes. Des femmes. Trois acrobates et un mannequin. Les relations sexuelles sont le fil rouge de « Reflets dans un œil d’homme », présenté par la Cie Diable au corps, dans le cadre de Pisteurs d’Étoiles.

Peu de nu dans les spectacles de cirque. Contrairement au théâtre, et plus encore dans la danse contemporaine, les corps se dévoilent rarement sous les chapiteaux – tout du moins intégralement. Pourtant, « vous n’imaginez pas la contrainte que représentent des vêtements pour certains circassiens », explique Caroline Le Roy, interprète de ce spectacle, dont l’intérêt ne réside évidemment pas dans cette seule innovation. Toutefois, difficile pour un acrobate nu de s’agripper à un corps ruisselant de sueur, fait remarquer quelqu’un du public, resté à l’issue de la représentation.

C’est qu’un spectacle comme celui-ci bouscule (sans faire de vilain jeu de mots). D’ailleurs, les rencontres avec le public sont quasi systématiques : elles permettent d’échanger sur un format inhabituel, des sujets peu traités dans les arts du spectacle, des propositions polémiques. Elles fournissent aussi l’occasion de faire connaissance avec ces artistes talentueux.

"Reflets dans un œil d'homme" de la Cie le Diable au corps © Christophe Payot
« Reflets dans un œil d’homme » de la Cie le Diable au corps © Christophe Payot

Dans son dernier opus, le trio invite le spectateur à partager ses émois, sensations et interrogations concernant l’Autre et le corps. En filigrane, un essai de Nancy Houston, Reflets dans un œil d’homme, a alimenté le projet pour creuser la question du désir. Différents processus d’attraction que beaucoup d’entre nous oublient, que peu assument. On peut alors relever plusieurs thèmes : l’amour, la tendresse, l’orgasme, le libertinage, la pornographie… La compagnie ne s’appelle pas « le Diable au corps » pour rien !

Recul

De fait, ce sont surtout les liens physiques entre interprètes, dans les portés, qui sont explorés. « Pendant leur séance d’entraînement, les voltigeurs passent leur temps à mettre des mains aux fesses. On ne peut pas faire autrement. Et cela développe d’emblée une conception différente du corps, un autre type de contact », explique le metteur en scène. Par exemple, l’idée des mannequins est née de l’envie d’explorer les portés mous, un défi pour des acrobates. Et cela a dégagé une piste dramaturgique intéressante : les sosie de Caroline permettent d’assouvir des fantasmes ; ces corps interchangeables évoquent la duplication et la profusion des partouzes, mais on peut aussi y voir la frénésie de consommation imposée par le système économique libéral.

Avec Adria Cordoncillo et Michaël Pallandre, le trio a donc exploité une matière riche, celle de plusieurs années d’expérience. Renouvelant le genre, il propose des figures originales, s’amusant même à perdre le spectateur avec ces corps factices. Surtout, cette soif de liberté, y compris dans la quête artistique, éclaire le sujet, souvent tabou, sous un nouveau jour. D’ailleurs, la création lumière est basée sur la recherche d’effets particulièrement réussis, prenant le contrepied d’images attendues, rendant sensuels des moments inattendus.

C’est intense et sincère. Les interprètes, engagés, exigeants dans leurs portés, y livrent aussi beaucoup de leur intimité, sans toutefois exploiter la corde sensible. Pas de personnage. Pas d’incarnation. Rien de polisson. Les corps ne s’exhibent pas et on ne vous caresse pas dans le sens du poil. Ni vulgarité, ni provocation, ici. Les numéros s’enchaînent longtemps dans le silence. Presque celui du recueillement. En fait, le sujet est sciemment maintenu à distance, avec la volonté de proposer davantage une réflexion. Car Reflets dans un œil d’homme tend effectivement un miroir. De façon ludique, mais respectueuse, donc. Presque pudique. 

Léna Martinelli


Reflets dans un œil d’homme, Cie Diable au corps

Site        

Création et mise en scène : Michaël Pallandre

Avec : Adria Cordoncillo, Caroline Le Roy, Michaël Pallandre

Création lumière : Vincent Millet

Création costumes : Anne Jonathan

Création mannequins : Judith Dubois

Régie en tournée : Samuel Mathon

Le 2 mai 2017, à 20 h 30

Espace Athic • Rue Athic • 67810 Obernai

Dans le cadre de Pisteurs d’Étoiles, festival des arts du cirque, 22e édition

Réservations : 03 88 95 68 19

Pass : de 24 € à 50 € • Places à l’unité : de 5,50 € à 18 €

Durée : 1 h 10

Photos : © Christophe Payot

Tournée ici 

Le spectacle sera présenté cet été en Avignon, sur l’île Piot, dans le cadre du dispositif l’Occitanie fait son cirque.

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