Désir à profusion
Par Élise Ternat
Les Trois Coups
Les jeunes filles représentées sur les tapisseries du Moyen Âge sont elles toujours vierges ? Et les licornes sont-elles des êtres aussi purs que les légendes le laissent croire ? Voici quelques-unes des questions posées par Gaëlle Bourges dans « À mon seul désir », création chorégraphique tout à fait réjouissante.
La Dame à la licorne est une tenture composée d’une série de six tapisseries présentant une jeune fille et ladite créature entourées d’animaux et de fleurs, allégorie des cinq sens à laquelle vient s’ajouter un mystérieux panneau supplémentaire. De cette œuvre médiévale, Gaëlle Bourges en a fait le sujet de sa création À mon seul désir.
Une longue paroi de velours rouge garance occupe le devant de la scène. De jeunes femmes nues arborant des masques d’animaux, recouvrent par leurs gestes appliqués la surface de celui-ci de mille fleurs. À mesure que se tisse cette étrange tapisserie, c’est tout un bestiaire symbolique qui s’organise, composé d’un singe plagiant l’homme, d’un renard fourbe, d’un perroquet destiné à combler l’ennui, d’un lapin, animal lubrique par excellence et d’un lion incarnant force et pouvoir.
De l’ambivalence à la multiplicité
Alors qu’une voix off monocorde énonce avec flegme et humour le contenu de chacun des six tableaux qui se dessinent simultanément sous les yeux des spectateurs, la symbolique contenue derrière chaque personnage ou image se dévoile progressivement. Lenteur, dextérité, voire immobilité, caractérisent la gestuelle des danseuses prenant des pauses évocatrices d’animaux. La nature versatile des symboles formulés révèle l’ambivalence et la multitude d’interprétations qui se croisent. Parmi ceux-ci, une jeune fille faussement effarouchée découvre une nudité littéralement diabolique, sous l’apparente innocence d’une robe longue au tissu particulièrement raffiné.
Contrastant avec le caractère silencieux des premières images, le son d’une cornemuse se fait peu à peu entendre avant de laisser place à l’ambiance électronique totalement survoltée d’un dernier tableau particulièrement jouissif. De même, le travail effectué sur les éclairages associant précision et diversité met en valeur la tonalité propre à chacune des scènes énoncées.
À la chasteté et à la mesure des débuts, À mon seul désir finit par opposer la profusion et le débordement. Les animaux s’y démultiplient, les corps s’alignent puis se tordent dans une montée en puissance totalement infernale. À travers cette performance dansée, Gaëlle Bourges réussit un savant mélange, une alchimie chorégraphique originale. Elle combine avec élégance, humour et pertinence l’analyse iconographique du passé avec le caractère éminemment versatile de l’histoire de la pensée. ¶
Élise Ternat
À mon seul désir, de Gaëlle Bourges
Avec : Carla Bottiglieri, Gaëlle Bourges, Agnès Butet et Alice Roland
et la participation de 34 volontaires pour le bestiaire final
Conception et récit : Gaëlle Bourges
Musique : XTRONIK, Erwan Keravec
Lumière : Abigail Fowler, Ludovic Rivière
Costumes : Cédrick Debeuf, assisté de Louise Duroure
Masques : Krista Argale
Retouche masques : Corinne Blis
Accessoires : Chrytel Zingiro
Régie générale et son : Stéphane Monteiro
Photos : © Danielle Voirin
Administration, production et diffusion : Raphaël Saubole
Production déléguée : Os
Coproduction : Ballet du Nord-C.C.N. de Roubaix – Nord – Pas-de-Calais, C.C.N. de Tours, Ménagerie de verre, Festival Rayons frais à Tours
Gymnase du lycée Saint-Joseh • rue des Teinturiers • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 14 14 14
Les 14, 15 juillet 2015 et du 18 au 21 juillet à 18 heures et le 16 juillet à 15 heures et 18 heures
Durée : 55 minutes
28 € | 22 € | 14 €