« Ça, Dada » et ça décoiffe !
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Attention, attention ! Le facétieux « Ça, Dada » d’Alice Laloy a investi le Nouveau Théâtre de Montreuil. Bousculant dans sa course l’ordre établi, il provoque stupeur, tremblement et rugissements de plaisir parmi les (jeunes) spectateurs. Contagieux ?
Explosif, transgressif, Dada ne se commande pas. C’est plutôt à une invitation de Fabrice Melquiot que répond le nouveau spectacle d’Alice Laloy. Rien d’étonnant à cette sollicitation. D’abord, la Compagnie S’appelle reviens partage avec Dada le goût de l’enfance : l’artiste fait ainsi alterner créations jeune public et spectacles pour adultes. Ensuite, tout son travail s’apparente à une méditation sur l’art et sur son histoire : on y décèle, par exemple, la tutelle de Kantor, ou une splendide réflexion sur la technique du sfumato.
Surtout, on retrouve quelque chose de Dada dans les principes créatifs de la Compagnie et dans Ça, Dada : le jeu avec la peur, le choix de la discontinuité, l’importance des images. Le spectacle ressemble, en effet, à une joyeuse fête tribale. Les acteurs, comme retombés dans cette sphère du Ça (qui abolit les règles et les inhibitions), nous entraînent dans une folle sarabande. Deux percussionnistes l’orchestrent avec talent. Dès lors, impossible de résister à l’envie de frapper des mains et de danser. Les enfants placés en rangs tout sages sont tentés de rire et s’égosiller ; les comédiens les invitent justement à se libérer.
Ils sont fous, ces grands !
De fait, les trois joyeux drilles ne se comportent vraiment pas comme on l’attendrait d’adultes : ô joie de la surprise, délice de la transgression ! Leur génie est ici leur enfance retrouvée à volonté. Les voilà qui se barbouillent de peinture, qui dansent (parfois en culotte !), qui deviennent chevaux, qui se font des niches, qui se tiennent mal au musée. Pour faire un spectacle dadaïste, ils prennent une pincée de scatologie, des mots à gogo, du rêve et des caisses d’énergie. Ils remuent ces ingrédients mais surtout se remuent beaucoup. Et ça marche du tonnerre. Leur engagement fait en grande partie la réussite de cette proposition.
Cependant, comme dans les autres créations d’Alice Laloy, le succès tient aussi aux images qui se succèdent sur scène. L’altération ou la destruction des cadres s’allie ici à une perpétuelle restructuration. Pour reprendre un propos du spectacle, « c’est du caca que naît Dada ». Ici, c’est à partir de la cendre que se recrée un cadre scénographique mouvant.
Si le spectacle ne donne pas l’impression de perfection de Sous ma peau/ Sfu.ma.to, il ne laisse donc pas le temps de s’ennuyer. Nous restons sur le qui-vive, en nous demandant sans cesse ce qui peut nous attendre. Résultat, quand le noir final se fait, nous entendons des enfants dire : « Déjà ? », « Ah, non, c’est trop court ! ». Pas mal pour une propédeutique au théâtre et à l’art. Non ? ¶
Laura Plas
Ça Dada, d’Alice Laloy
Écriture et mise en scène : Alice Laloy
Avec : Éric Caruso, Stéphanie Farison et Marion Verstraeten
Avec la voix de Valérie Schwarcz
Durée : 55 minutes
À partir de 6 ans
Photo : © Elisabeth Carecchio
Nouveau Théâtre de Montreuil • 10, place Jean Jaurès • 93100 Montreuil
Représentations tout public : du 5 au 24 mars 2018, le 10 mars à 19 heures, les 16 et 23 mars à 20 heures, les 7, 17 et 24 mars à 15 heures
Scolaires : du 5 au 24 mars à 10 heures ou 14 h 30
De 8 € à 23 €
Réservations : 01 48 70 48 90
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☛ Y es-tu ? D’Alice Laloy, Théâtre de l’Arche à Bethoncourt, par Maud Sérusclat