Les plumes de l’Autruche, Tribune Cie du Dagor, Limoges

Cie du Dagor © Thierry Laporte. jpg

Tribune à la Cie du Dagor

Les Trois Coups

Alarmée par la crise actuelle, cette compagnie conventionnée DRAC-Nouvelle Aquitaine nous a envoyé ce texte.

#LESPLUMESDELAUTRUCHE

La Culture fait son grand retour !
La preuve : des femmes et des hommes politiques en parlent !
Ainsi, le théâtre va-t-il devenir « obligatoire » au collège.
Ainsi, une « offre culturelle totalement gratuite » sera proposée sur tout le territoire dans le cadre des JO 2024.
Et, en plus, il paraît que le public « revient » dans les salles de spectacle, proportionnellement encore plus que dans les salles de cinéma.
Les artistes et technicien·ne·s du spectacle vivant peuvent exhiber leurs belles plumes multicolores de troubadours.

Effondrement de la culture

Or, dans le secteur culturel, comme dans malheureusement beaucoup d’autres, le manque de moyens, couplé à l’augmentation spectaculaire des charges, est en train de faire s’effondrer tout un secteur. Et on se demande qui, dans les prochains mois, sera dans les collèges, aux abords des stades et dans les salles de spectacle pour proposer quoi que ce soit.
Oui. C’est un effondrement.

On nous avait prévenu·e·s, au moment du « quoi qu’il en coûte » : la situation allait se tendre à partir de 2022.
C’était sans compter la hausse du prix de l’énergie, l’inflation généralisée et parfois les baisses de subventions ou, en tout cas, leur non-hausse.

Le résultat ?

Les théâtres programment moins de spectacles, de moins en moins de séries, coproduisent moins et pour des sommes beaucoup moins importantes.
Leurs directeurs et directrices sont entre le marteau et l’enclume et restent encore plus silencieux et silencieuses qu’avant aux sollicitations des compagnies.
Désormais, même en en ayant envie, il leur est impossible d’accompagner et de soutenir toutes les compagnies qu’ils souhaiteraient.

Dans le même temps, on nous enjoint de mieux produire et mieux diffuser.
Ce que personne ne conteste : qui a envie de mal produire et mal diffuser ? Tout le monde tente de rationaliser les productions et les tournées. Rares sont celles et ceux qui y parviennent, contraintes et contraints par des enjeux de territoires, de plannings et, au final, de coûts.

De toute façon, ce qui se passe, aujourd’hui, c’est que nous produisons moins et diffusons moins.

Beaucoup y laissent leurs plumes

Depuis plusieurs mois, au détour de conversations informelles, nous recueillons des témoignages glaçants :
– La majorité de nos collègues artistes et technicien·ne·s voient leurs perspectives de travail s’amoindrir pour la saison prochaine. Certain·e·s n’en ont par ailleurs aucune.
– Nous lisons régulièrement des appels à l’aide lancés sur les réseaux pour « trouver des heures » et boucler une intermittence en sursis.
– Des périodes de répétitions s’annulent quelques semaines avant leur démarrage.
– Des temps de travail sont moins rémunérés que prévus.
– On ne compte plus le nombre de projets reportés et / ou pour lesquels les équipes précisent qu’elles sont encore en recherche de partenaires.
– Des spectacles multi-diffusés les saisons précédentes, encensés et acclamés, voient leur tournée réduite à néant dès la saison suivante.

La tête dans le sable

Depuis des années, on nous dit qu’il y a « trop » de compagnies, « trop » de créations et que celles-ci ne tournent que très peu (entre 3 et 5 représentations par spectacle).
Depuis des années, tout le monde penche la tête sur le côté, vaguement désolé, en se disant que, pour l’instant, cela n’empêche pas tant que ça les spectacles de se faire et donc les artistes d’avoir du boulot.

Aujourd’hui, quand on pressent que des personnes vont sans doute quitter le milieu artistique, que des compagnies vont s’écrouler, on penche la tête encore plus sur le côté. 
Tellement plus qu’on la fiche dans le sable en espérant que ce ne sera pas sur nous que ça tombera.
On devient des autruches dont on ne voit que les belles plumes.
On ne veut pas voir, pas entendre. On espère que la foudre ne nous tombera pas dessus mais sur la compagnie voisine, le comédien voisin, le théâtre d’à côté, qui sont vraiment sympas mais bon, c’est la roue de la fortune. Et de l’infortune.
Et si ça tombe sur nous, si c’est déjà tombé sur nous, on éprouve comme une sorte de honte et on ne dit rien.

Sortir la tête du sol

Nous n’avons aucune solution à proposer.
Mais nous pressentons que nous devrions toutes et tous sortir la tête du sol et regarder autour.
Se parler. Assumer ce constat désespérant. Puis, sans doute, témoigner et faire savoir.
Car nous trouvons encore plus désespérant de voir chacun et chacune faire le dos rond en attendant que ce soit sous d’autres, que le sol se dérobe.

Ce n’est donc pas une tribune à signer, ni un appel à la grève, à manifester ou à bloquer des théâtres.
C’est un espoir que chacun, chacune, compagnies, théâtres, artistes, technicien·ne·s, tutelles, échangent et prennent acte.

Voyons-nous, appelons-nous, soutenons-nous.
Et, selon nos choix, entrons en action ! 🔴

Marie Blondel, Julien Bonnet et Thomas Gornet


La Cie du Dagor, dont les projets sont portés et créés par un trio composé de Marie Blondel, Julien Bonnet et Thomas Gornet, est basée à Limoges depuis plus de 20 ans. La compagnie conventionnée DRAC-Nouvelle Aquitaine crée et tourne ses spectacles nationalement. Adressées au Tout Public, ainsi qu’au Jeune Public, leurs créations ne s’interdisent aucune esthétique : avec ou sans parole, formes légères ou de plateau, musicales et chorégraphiées, commande d’autrice·eur ou œuvre originale.

Site de la cie
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À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ « Dans les ténèbres tout s’élance », de Métie Navajo, par Laura Plas
☛ « La Tête ailleurs », de la Cie du Dagor, par Laura Plas

Photo : © Thierry Laporte

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