« Crocodiles », de Cendre Chassanne et Carole Guittat, la Maison des Métallos, à Paris

« Crocodiles » de C. Chassanne et C. Guittat, avec Rémi Fortin © Mat Jacob

Un Petit Poucet afghan

Par Laura Plas
Les Trois Coups

Cendre Chassane et Carole Guittat racontent à la manière d’un conte moderne l’histoire vraie d’un migrant de dix ans : Enaiat. Portée avec conviction par Rémi Fortin, leur proposition choisit de se situer à hauteur d’enfant et trouve le ton juste.

Une nuit pleine d’étoiles, le jeune Enaiat doit fuir son cher village. On est en Afghanistan mais l’histoire pourrait se dérouler dans tant de pays où l’enfance est piétinée par les guerres et les catastrophes. Enaiat est l’un de ces Petits Poucets modernes que leur mère abandonne pour leur sauver la vie. Il donne un visage et une voix à des milliers de petits jetés sur les routes.

Histoire d’enfants, Crocodiles s’adresse aussi à un jeune public (mais pas seulement). En effet, son unique interprète, Rémi Fortin, a l’art de faire ressurgir le môme qui est en lui. Ses yeux sont emplis d’ingénuité et témoignent de l’étonnement des premières fois. Sa fougue fait songer à celle d’un jeune chiot. Il incarne avec une profonde sincérité son personnage et suscite l’adhésion. Par ailleurs, comme un conteur, il crée une complicité avec son public. De fait, le dispositif bifrontal ne prend son sens que parce que l’acteur sait en jouer, allant d’un côté à l’autre et multipliant à bon escient les adresses.

Petites étoiles dans la nuit noire

C’est bien le regard de l’enfant qui permet de narrer une épopée aussi terrible que celle de la migration. Si le Petit Poucet affronte la forêt et ses monstres, Enaiat est confronté, lui aussi, à la peur, à l’horreur et à l’épreuve. Cependant, les scènes les plus terribles, comme l’exécution de l’instituteur du village par les Talibans, sont narrées avec candeur par Enaiat. Les moments de chagrin coexistent dans son récit avec de petites victoires d’enfants, de grandes amitiés. C’est pourquoi, si Crocodiles ne gomme rien de la réalité, il offre aussi des moments de sourire.

L’horizon n’est jamais totalement fermé parce que l’enfant croise des gens qui lui tendent la main. Chaque conte portant une morale, Crocodiles nous apprend ainsi qu’il n’est pas si difficile d’accueillir l’étranger. Cette leçon de tolérance est transmise de façon quasi poétique par le travail sur le son d’Édouard Alanio. Ce dernier crée, en effet, décalage et distanciation, et nous fait palper l’étoffe de la sensibilité d’Enaiat. Crocodiles est donc un joli conte d’aujourd’hui que les grands feraient bien d’écouter aussi…

Laura Plas


Crocodiles, de Cendre Chassanne et Carole Guittat

D’après Dans la mer il y a des crocodiles de Fabio Geda

Adaptation et mise en scène : Cendre Chassanne et Carole Guittat

Avec : Remi Fortin

Durée : 55 minutes

À partir de 9 ans

Teaser vidéo

Photo : © Mat Jacob

La Maison des Métallos • 94, rue Jean-Pierre Timbaud • 75011 Paris

Du 16 au 20 mai 2018, le mercredi à 20 heures, le jeudi à 14 heures et 19 heures, le vendredi à 10 heures et 20 heures, le samedi à 19 heures, le dimanche à 16 heures

De 5 € à 15 €

Réservations : 01 47 00 25 20


À découvrir sur Les Trois Coups :

Le Radeau de la Méduse de Georg Kaiser, gymnase du lycée Saint-Joseph, à Avignon, par Trina Mounier.

Histoire du communisme racontée aux malades mentaux de Matéï Visniec, par Maja Saraczyńcka

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