« En finir avec leur histoire », Marc Lainé, Comédie de Valence

En finir avec leur histoire-Marc-Lainé © Simon Gosselin

Dans son plus simple appareil

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Vous avez aimé Nos paysages mineurs ? Soyez heureux, Marc Lainé propose une suite à la rencontre amoureuse de Liliane et Paul. Elle s’appelle En finir avec leur histoire, ce qui augure mal du devenir de ce couple attachant qui s’était déjà séparé à la fin du premier épisode.

Parler d’épisode renvoie à la notion de série. Marc Lainé préfère parler de cycles, ce qui lui permet d’échapper à un modèle trop strict. Lui qui vient des Arts-Déco compose avec minutie des scénographies chaque fois plus inventives, au sein d’un ensemble artistique pluridisciplinaire rassemblant autour de lui treize artistes, metteurs, en scène, réalisateurs, acteurs, musiciens, écrivains, chorégraphes. Cette notion de cycle lui est chère, autorisant à la fois des suites, comme c’est le cas dans celui de Liliane et Paul et des assemblages plus baroques et déstabilisants, comme dans la trilogie fantastique dont était issue En travers de sa gorge, son avant-dernière création.

© Simon Gosselin

Vingt ans, donc, séparent les deux séparations d’un couple qui demeure amoureux et le dit, mais ne peut tout bonnement pas vivre ensemble. Les raisons, déjà entraperçues dans Nos paysages mineurs, s’affirment jusqu’à l’éclatement dans En finir avec leur histoire. Elles tiennent aux différences sociales, d’âge et de genre : Quand ils se sont rencontrés, au hasard de voyages en train, elle avait interrompu ses études pour gagner sa vie. Lui, la trentaine, était prof à Vincennes, écrivain en devenir, habitait Paris intra-muros. Il avait donc toutes les raisons d’avoir un ascendant sur elle. Et il l’a exploité, sans vergogne et sans vraiment s’en rendre compte. Sans la moindre culpabilité.

Vingt ans se sont alors écoulés. Chacun vit de son côté. Il a eu le Renaudot, puis le Goncourt, gagné beaucoup d’argent. Elle élève seule leur fils, avec difficulté, d’autant plus que Paul ne cesse d’oublier de verser les pensions alimentaires. Histoire connue.

Simple comme Liliane, complexe comme Paul

Autant le premier volet faisait l’objet d’une scénographie si inventive qu’elle pouvait paraître sophistiquée, autant elle paraît simplissime ici, basée sur un long travelling suivant le couple depuis l’instant de leur rencontre jusqu’à leur séparation brutale et définitive un soir de 1992. Pourtant, ce mouvement de caméra n’est pas si simple que ça, avec ses points de vue différents projetés, notamment sur un grand écran de cinéma.

Et nous voici embarqués aux côtés de Paul et Liliane durant une heure à travers Paris. Néanmoins, et c’est cela qu’il faut retenir, rien ne s’immisce dans l’essentiel : ce qui se passe entre eux rappelle un passé déjà ancien et annonciateur de la fin à venir. Cela tient à eux, à leur histoire, à ces marqueurs de classe qui, subtilement mais sûrement, vont gangréner leur relation, s’inviter comme si le temps n’avait pas passé, tant leurs réactions sont épidermiques quand ils apparaissent. Il faut dire que Paul a tout du Dom Juan, celui de Molière : un pouvoir de séduction incontestable, d’autant plus qu’il possède l’assurance ; ce grand seigneur méchant homme se comporte comme un enfant capricieux, sûr de lui, voire méprisant.

C’est encore une fois une petite merveille d’intelligence et de théâtre. La scénographie-mise en scène sait se faire discrète et presque s’effacer, pour valoriser les acteurs : Adeline Guillot est merveilleuse en femme blessée qui ne peut s’empêcher de tomber dans les pièges, et Vladislav Galard, feu follet amoureux de son verbe, qui écrit encore une fois un roman de ses propres répliques, est le prototype de l’artiste touchant mais narcissique. Quant à Vincent Segal, au violoncelle, il parle au cœur quand les deux amoureux tentent de le faire taire. Bravo ! 🔴

Trina Mounier


En finir avec leur histoire, de Marc Lainé

Le texte est édité chez Actes Sud papiers
Texte, mise en scène et scénographie : Marc Lainé
Avec : Vladislav Galard, Adeline Guillot, Vincent Ségal, Antoine de Toffoli et trois caméras autorisées
Musique : Vincent Ségal
Lumière : Kevin Briard
Son : Clément Rousseaux-Barthès
Vidéo : Baptiste Klein
Costumes : Dominique Fournier
Assistanat à la mise en scène : Antoine de Toffoli
Collaboration à la scénographie : Stéphane Zimmerli, membre de l’Ensemble artistique de la Comédie de Valence
Durée : 1 h 15

Comédie de Valence, centre dramatique national Drôme Ardèche
Du 9 au 21 janvier 2024
De 5 € à 25 €
Réservations : 04 75 78 41 70 ou en ligne

Tournée
Pour chaque représentation de la tournée, il est possible de voir avant Nos paysages mineurs, premier volet du cycle Liliane et Paul
• Du 24 janvier au 4 février, MC93 Maison de la Culture de Saint-Denis
• Du 7 au 9 février, Malakoff scène nationale
• Du 14 au 16 février, La Filature Mulhouse
• Les 15 et 16 mai, CDN de Besançon Franche-Comté

À découvrir sur Les Trois Coups :
Nos paysages mineurs, de Marc Lainé, par Trina Mounier
En travers de sa gorge, de Marc Lainé, par Trina Mounier
Entretien avec Marc Lainé, par Trina Mounier

À propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Du coup, vous aimerez aussi...

Pour en découvrir plus
Catégories

contact@lestroiscoups.fr

 © LES TROIS COUPS

Précédent
Suivant