Festival Spring 2025, Reportage, « Et si c’est sûr », « Monographie », « L’Enjeu », Normandie

Et si c’est pas sûr c’est pas peut-être © cie Takakrôar

Rafraîchissant Spring

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Portée par La Brèche PNC Normandie et  et le Cirque-Théâtre d’Elbeuf, la 16édition de Spring s’est achevée le 16 avril. Après l’inauguration, notamment avec la trépidante quête d’ailleurs de KA-IN (Groupe acrobatique de Tanger et Raphaëlle Boitel), nous avons pu découvrir quelques-unes des créations présentées, celles des compagnies Takakrôar, Defracto, El Nucleo. Bonne pioche !

Avec comme ligne de force « Faire corps avec le monde », Spring a mis en lumière notre époque, à travers des thématiques environnementales ou sociétales. En interrogeant la place de l’humain dans son environnement, Et si c’est pas sûr c’est pas peut-être rappelle justement l’importance du « vivre ensemble ». Grâce à la Métropole Rouen Normandie, le spectacle était gratuit.

Élucubrations philosophiques

Dans cette petite yourte, on ne s’attendait guère à voir du trapèze. La cie Takakrôar parvient toutefois à nous surprendre : ils prennent le thé à une table perchée sur un bout de bois ; ils jouent à trois sur la même guitare ; l’un d’eux, muni d’une carapace en carton, saute même de la coupole !

Mine de rien, les prouesses valent le détour. On en a plein les yeux, d’autant plus qu’on est tout près ! Entre musique, performance du quotidien, théâtre et cirque, l’univers est foutraque et l’état d’esprit décalé à souhait : « Nous racontons nos tambouilles intérieures, nos quiproquos sur le réel, nos arrangements avec le vrai. Dans un monde où chacun doit se positionner, nous décidons de jouer de ces postures idéologiques, de mettre en lumière leur absurde. Pour en rire, jaune parfois », lit-on dans la note d’intention.

« Et si c’est pas sûr c’est pas peut-être », cie Takakrôar © Gaspard Choron

Peut-être ces énergumènes sont-ils vraiment névrosés ? Ce qui est sûr, c’est qu’on rit beaucoup, non sans avoir un élan de tendresse pour eux. Charly Sanchez, Louison Lelarge et Dimitri Lemaire ont effectivement décidé de prendre soin les uns des autres, y compris de nous, presque leurs amis. On a vraiment été touché par cette proposition aussi farfelue que bienveillante, où les fleurs et la musique occupent une place centrale (comme dans les Dodos où les deux premiers ont joué). Merci pour ce bouquet d’émotions !

Il dessine comme il jongle

Après la Seine-Maritime, direction le Calvados ! Saluons la qualité de Monographie de la cie Defracto qui défend depuis 15 ans un jonglage graphique, rythmique et expressif. Guillaume Martinet associe sa discipline au dessin, autre de ses passions. Il dessine comme il jongle, de manière compulsive et cocasse. Avec ses représentations naives et son allure (faussement) nonchalante, il a su créer un langage singulier et poétique.

Suivons la flèche, donc ! Tout commence par une fantaisie. Mais pourquoi nous demande-t-on de retirer nos chaussures ? On n’en dira pas plus sur ce grand bain de jouvence qui nous attend. Et pour celles et ceux qui n’auraient que des modèles trouées, pas de panique, des sur-chaussures sont fournies. Accompagné de la plasticienne Margot Seigneurie, le jongleur nous embarque dans son monde, où tout est permis. Trop souvent employé à toutes les sauces, le terme « immersif » est ici fort à propos. Le spectacle déborde en effet de toutes parts.

Et pour cause ! Guillaume Martinet incarne un personnage en trois dimensions, excessif, monomaniaque, hors norme. Sa maladresse est millimétrée. Entrée et sortie sont réglées au cordeau, comme les clowns savent le faire, en ménageant de la place à l’improvisation. Sous nos yeux il déploie un univers absurde, animé, cartoonesque. Jonglant avec l’improbable, son corps caoutchouc, en (dés)équilibres permanents, suscite aussi la surprise. Les mimiques déformées, les chutes, les accélérations font penser à Bip Bip et Coyote.

« Monographie », cie Defracto © Pierre Morel

Nous sommes bien hors du petit écran. En revanche, le cadre est posé. Au sein de sa scène de papier, le jongleur excelle en manipulations et tours de passe-passe. Armé de son gros feutre noir sur fond blanc, il évoque en dessin ce qui se joue ensuite dans l’espace de jeu, dans un dialogue fructueux, non sans onomatopées. Les tâches se transforment en pâte à modeler, lesquelles deviennent à leur tour balles de jonglage. Yann Frisch y a mis sa patte (de magicien). Même si le jeune homme aime sortir du cadre et rebondir, tout est « carré », jusqu’au générique. Cette proposition inventive est une bouffée d’air frais. Et on aime quand le cirque s’acoquine de la sorte avec les arts plastiques. Bravo !

1, 2, 3 soleil !

Enfin, le temps fort dédié au jeune public (voir le parcours) se développe et se diversifie avec des spectacles, y compris à l’adresse des tout-petits, autant d’expériences à vivre lors des Family Fun Days. Nous avons pu assister à l’Enjeu, qui s’amuse à confronter les différences culturelles. À travers leurs agrès (sangle aérienne, main à main et acro-danse), Joana Pinard et Jimmy Lozano s’emparent du plateau pour en faire leur terrain de jeu, questionnant les règles et les symboliques des occupations de leurs enfances. La première est franco-brésilienne et le second vient de Colombie. Les interprètes sont exceptionnels et très complices, à l’aise dans une belle chorégraphie.

« L’Enjeu » © El Nucleo

Mais pourquoi donc ce décor de salon vintage, alors que les costumes sont contemporains ? Les jeux sont des outils d’apprentissage très puissants. Ils nous conditionnent aussi, socialement, d’où le titre du spectacle : « Jouer confronte l’enfant à la compétition, la défaite et la victoire, aux notions de proie et de prédateur, de triche et de limites à ne pas franchir », commente Jimmy Lozano. « Devenus adultes vivant dans une société capitaliste, nous évoluons finalement tous dans un grand Monopoly où il faut amasser des biens et éviter la prison ! ». Cette transposition démontre que les jeux portent en eux des rapports de pouvoir. D’où l’intérêt de remettre en question et bouleverser leurs règles.

Léna Martinelli


Si c’est sûr c’est pas peut-être, cie Takakrôar
Site de la cie
De et avec : Charly Sanchez, Dimitri Lemaire, Louison Lelarge
Regards extérieurs : Chloé Derrouaz, Mickaël Le Guen, Benjamin de Matteïs
Durée : 55 min
À partir de 8 ans
Parc Saint-Rémy • Saint-Aubin-Les-Elbeuf
Tournée ici :
• Les 2 et 3 mai, l’Atelier Culturel, à Landerneau
• Les 17 et 18 mai, Le Prato PNC Lille, dans le cadre des Toiles dans la ville, à Gare Saint-Sauveur
• Du 12 au 21 septembre (sauf le 15, 16 et 18), De Rue De Cirque, dans le cadre de Village de cirque, Pelouse de Reuilly, Paris
• Du 28 au 30 octobre, L’ARC scène nationale Le Creusot

L’Enjeu, El Nucleo
Site de la cie
Mise en scène et interprétation : Joana Pinard et Jimmy Lozano
Conseiller artistique : Edward Aleman
Le Cirque-Théâtre d’Elbeuf 
Le 5 avril 2025

Monographie, cie Defracto 
Site de la cie
Création chorégraphique et interprétation : Guillaume Martinet 
Aide à la mise en scène : Yann Frisch 
Création plastiques et scénographique : Margot Seigneurie 
Regard extérieur jonglage : Fabrizio Solinas 
Durée : 50 mn
Dès 7 ans
Les Franciscaines • Deauville
Le 6 avril 2025
Tournée ici :
• Le 24 avril, Les Transversales, scène conventionnée à Verdun
• Les 25 et 26 juin, Le Plongeoir PNC, dans le cadre du festival Le Mans fait son cirque, Le Mans
• Du 8 au 23 juillet, Le Totem, Le Totem scène conventionnée Art, Enfance, Jeunesse, dans le cadre du @Festival avignon off Off Avignon 2025

Festival Spring
16e édition, du 5 mars jusqu’au 16 avril 2025
Partout en Normandie
Festival porté par La Plateforme 2 Pôles Cirque en Normandie / La Brèche à Cherbourg et le Cirque-Théâtre d’Elbeuf
Site du festival
La programmation ici
Tous les lieux ici

À découvrir sur Les Trois Coups :
« Ka-In », Groupe Acrobatique De Tanger, Raphaëlle Boitel, par Léna Martinelli
Festival Spring 2024, Normandie, par Léna Martinelli

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