Dans l’arène avec Nicomède
Par Hélène Merlin
Les Trois Coups
Écrite en 1651, « Nicomède » est la vingt et unième pièce de Pierre Corneille et son dernier grand succès. Son extraordinaire construction sert une intrigue riche en conflits et en contradictions. Les allusions contemporaines, qu’elles contenaient à l’époque sur la politique impériale des Romains, ont une résonance actuelle tout à fait surprenante.
La pièce se déroule en Bithynie (l’actuelle Turquie). Nicomède, héros intrépide, et Laodice, dont le courage n’a d’égal que la vertu, résistent à l’impérialisme romain. Ils se jettent au combat pour préserver des valeurs plus hautes qu’eux-mêmes. En maniant l’ironie avec adresse, ils luttent contre les manœuvres hypocrites de la reine Arsinoé, de l’ambassadeur romain et du roi Prusias, dont la bassesse n’inspire que la moquerie et le mépris.
Les talentueux comédiens offrent un jeu inventif et généreux, frôlant la perfection. Magistralement dirigés, ils semblent évoluer en totale liberté dans cette arène politico-familiale, où le vent de la fronde commence à souffler. Le peuple gronde, la terre tremble… La tragédie se frotte à la comédie faisant naître et le rire et l’effroi. Le spectateur ne peut échapper à sa destinée : il est emmené jusqu’où Corneille a osé aller, et plus loin encore…
Dans une atmosphère néocoloniale, où l’Orient se heurte à l’Occident, un décor simple et efficace : une table centrale, quelques fauteuils, autour desquels les personnages se provoquent, au rythme des nappes qui se retirent jusqu’à dévoiler, sous les faux-semblants et les passions sanglantes, l’âme froide et le cœur métallique des dirigeants politiques. Les costumes soulignent avec pertinence le dessin de chaque caractère : des escarpins rouge sang d’Arsinoé la marâtre, à la robe magnifique de Laodice princesse d’Arménie, en passant par l’imperméable gris glacé de Flaminius, l’ambassadeur romain… Sans oublier l’accessoire ubuesque du veule roi Prusias : une couronne quelque peu encombrante, avec laquelle il joue comme avec un hochet…
Brigitte Jaques-Wajeman signe là une mise en scène percutante, dont l’excellence ne peut rendre qu’admiratif… ¶
Hélène Merlin
Voir la rencontre avec la Cie Pandora, par Hélène Merlin pour les Trois Coups
Jouer avec Nicomède, de Pierre Corneille
Cie Pandora • 01 45 87 26 17
http://www.compagniepandora.com/site/
Mise en scène : Brigitte Jaques‑Wajeman
Avec : Bertrand Suarez‑Pazos, Raphaèle Bouchard, Thibaud Perrenoud, Sophie Daull, Pierre‑Stéfan Montagnier, Pascal Bekkar, Marc Siemiatycki, Agnès Proust
Collaboration artistique : François Regnault, Jacqueline Lichtenstein
Scénographie et lumière : Yves Collet
Costumes : Annie Melza Tiburce
Maquillages et coiffures : Catherine Saint‑Sever
Assistants :
- mise en scène : Pascal Bekkar
- lumière : Nicolas Batz
Son : Stéphanie Gibert
Décor : Mathieu Bianchi
Costumes : Anna Gaïotti
Peinture : Bertrand Aubert
Stagiaires : Alice Zeniter, Thomas Bouvet
Habilleuse : Dragana Radisavljevic
Régie : Gilles David, Yann Nédélec
Administration : Dorothée Cabrol
Théâtre de la Tempête • la Cartoucherie • 75012 Paris
Réservations : 01 43 28 36 36
Du 15 janvier au 17 février 2008, du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures
Durée : 2 h 30
18 € | 13 € | 10 €