Dans la moiteur du fantastique
Par Lise Facchin
Les Trois Coups
Il est des secrets qui se taisent en fanfare, des soupirs d’alcôve qui traversent les murs des forteresses, des pensées dont les reflets s’évadent sans mot dire au travers des regards. Ainsi du spectacle de Yanowski : une pudeur envoûtée qui jette ses voiles aux orties dans un grand rire de joie.
Tenant plus du prestidigitateur que du comédien, plus du tordeur de barre que du chanteur, l’homme qui s’avance depuis l’obscurité d’une démarche chaloupée, quelques accords enfumés accolés à ses pas, peut faire disparaître le monde. Abolir les murs de la salle, nier la scène, catapulter l’habitant de chaque fauteuil dans les méandres improbables de ses personnages. Alors plus rien n’existe que le médiocre employé de bureau de Saint-Pétersbourg dominé par son reflet, que le désir malmené par la brûlante Petroskha aux seins offerts, la noce ensorcelée par un violoniste infatigable ; rien n’existe plus que les boîtes à tango de Buenos-Aires, les hurlements de douleurs de l’amoureux aviné baigné de pluie, les pavés sur lesquels ricochent les hoquets de son nihilisme et les tauliers au poignet lourd des confidences versées…
Comme un bonheur ne vient jamais seul, les complices en musique de Yanowski sont un régal qui lui volerait presque la vedette. Il faut dire qu’il a su s’entourer : au piano, l’immense Gustavo Beytelmann, auquel une chanson délicieusement argentine est consacrée, et au violon Cyril Garac, dont la formation classique s’efface devant la grâce d’un éclectisme bondissant. Sa chanson à lui, le Violon du diable, raconte l’histoire d’une noce qui, envoûtée par la musique d’un violoniste tsigane, ne peut plus s’arrêter de danser. À entendre sa partie, on le croit sans peine, tant il est difficile de tenir en place et de dompter l’élan qui pousse à s’affranchir des frontières conventionnelles du fauteuil.
Déjà dans le Cirque des mirages, Yanowski avait fait montre de son talent de chanteur et de parolier, éclaboussant son public d’un charisme superbe. Il est plus que certain aujourd’hui que cet artiste a tenu la promesse de ses débuts, avec ce spectacle puissant, émouvant et que l’on emporte avec soi comme un de ces voyages dans les terres embrumées des fantasmes. ¶
Lise Facchin
la Passe interdite, de Yanowski
Chant : Yanowski
Violon : Cyril Garac
Piano : Gustavo Beytelmann
Textes et composition : Yanowski
Arrangements : Gustavo Beytelmann
Lumière et scénographie : Fred Brémont
Costumes : Émilie Bonheure
Sous le regard de : Sarkis Tcheumlekdjian
Photo : © D.R.
Auditorium Saint-Germain • 6, rue Félibien • 75006 Paris
Réservations : 04 78 03 30 00
Métro : ligne 4, arrêt Odéon
Le 19 novembre 2013 à 20 heures
Durée : 1 h 30
18 € | 13 €
Reprise :
Salle Gaveau • 45‑47, rue de la Boétie • 75008 Paris
01 49 53 05 07
Métro : station Miromesnil (lignes 9 et 13)
Bus : Noctilien (no 52, 83, 93, N02), arrêt La Boétie-Percier
Velib : boulevard de courcelles / rue Saint-Honoré
Les 29 et 30 janvier 2014 à 20 h 30
http://www.sallegaveau.com/la-saison/714/yanowski-la-passe-interdite
40 € | 35 € | 25 € | 15 €