« la République de Platon », d’Alain Badiou, jardin Ceccano à Avignon

« la République de Platon » © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Hommage à l’intelligence

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Troisième version en trois ans (et sans doute davantage ailleurs que sur « les Trois Coups ») de cette « République de Platon » qu’Alain Badiou s’ingénie à faire relire et comprendre aux citoyens que nous sommes. Cette fois-ci par la voix de tout jeunes élèves comédiens qui partagent avec nous le plaisir tout neuf de cette initiation à la notion philosophique de justice.

Nous voici donc réunis autour de l’énorme platane dont nous apprécions déjà l’ombre fraîche, entouré de ces gros galets ronds typiques des places de villages provençaux. Quelques bancs de pierre, une simple estrade de bois seront les seuls éléments de décor de cette cour cernée d’oliviers. Les cigales s’en donnent à cœur joie. Nous sommes sur l’agora écrasés par la fournaise, nous sommes en Grèce à l’heure où les Grecs, en ce jour de référendum, réinventent la démocratie. Beau symbole !

J’ai déjà beaucoup parlé de cette traduction-vulgarisation dans le sens noble du terme. Alain Badiou n’a certes pas l’intention d’aplanir une pensée dont il désire au contraire nous faire saisir chaque subtilité, chaque aspérité, dont il souhaite nous rendre accessible la complexité. Mais il truffe le texte de néologismes, pour restituer aux métaphores leur fonction première d’illustrations. Ce faisant, il met les rieurs de son côté : la philosophie, ça peut être franchement rigolo !

Sur l’agora

Nous nous pencherons donc sur cette lecture, sur ses jeunes interprètes, ici dirigés par Didier Galas, Valérie Dréville et, tiens tiens… Grégoire Ingold, celui-là même dont nous avions déjà vu une République de Platon avec Redjep Mitrovitsa dans le rôle de Socrate l’an dernier. Cette fois-ci, le spectacle est plus modeste, mais ça marche. Le choix d’une lecture, par sa simplicité, renforce encore sans doute l’aspect pédagogique de la démarche du philosophe : il faut apprendre, cent fois sur le métier remettre son ouvrage, écouter, reprendre, ajouter un détail, approfondir, revenir en arrière et surtout… ironiser. Autant le Socrate de Redjep Mitrovitsa était discret, autant celui-ci, joué par plusieurs acteurs différents, est brillant orateur qui ne dédaigne pas de pousser l’avantage et de se moquer de son adversaire. Avec malice, il accule le sophiste Thrasymarque dans ses retranchements et fait même preuve d’une certaine coquetterie lorsqu’il est satisfait de ses propres répliques.

Cependant, on peut émettre une réserve. Apprendre un texte d’une dizaine de pages ne devrait pas poser de problème insurmontable à ces jeunes comédiens au cerveau agile et, puisqu’ils savent l’essentiel – se placer, s’adresser au public ou à un autre acteur, faire porter sa voix, articuler le texte et le scander pour le rendre compréhensible, etc. –, pourquoi ne pas leur avoir imposé l’exercice supplémentaire d’apprendre par cœur ?

Parmi eux, deux jeunes acteurs se détachent par leur présence et leur aisance sur le plateau : Florine Mullard à qui revient le plus souvent le rôle d’un Socrate incisif et moqueur et surtout Laurent Robert qui confère à son personnage Thrasymarque beaucoup de subtilité. Sur son visage et dans son attitude se succèdent l’autosatisfaction, la surprise, la colère, la ruse, etc.

Encore une jolie leçon de philosophie. Par les temps qui courent, c’est évidemment plus que jamais nécessaire. Le public venu en nombre y assister ne s’y est pas trompé ! 

Trina Mounier


la République de Platon

Texte et adaptation d’Alain Badiou

Mise en lecture : Valérie Dréville, Didier Galas, Grégoire Ingold

Dramaturgie : Michel Corvin

Avec les élèves comédiens de l’Ensemble 22 de l’É.R.A.C. : Valentine Basse, Julie Cardile, Sophia Chebchoub, Théo Comby Lemaître, Grégor Daronian Kirchner, Morgan Defendente, Nina Durand-Villanova, Fabien Gaertner, Marianna Granci, Florine Mullard, Paul Pascot, Thibault Pasquier, Laurent Robert et la comédienne Hermine Yollo Mingele

Travail préparatoire avec les élèves acteurs de l’Ensemble 22 de l’É.R.A.C.

Coordination artistique : Didier Galas

Photo : © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Production Festival d’Avignon en partenariat avec l’École régionale d’acteurs de Cannes

Avec le soutien de la Fondation S.N.C.F., de la S.A.C.D.

Avec l’aide du Centquatre à Paris

Résidence à la Fabrica

Jardin Ceccano • place des Trois-Faucons • 84000 Avignon

Site internet : www.festival-avignon.com

Réservations : 04 90 14 14 14

Du 4 au 24 juillet 2015 à 12 heures, relâche le lundi

Durée : 50 minutes

Entrée libre

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