Défilé de mode
Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups
Dans sa première pièce de groupe, la chorégraphe sénégalaise Fatou Cissé tente de détourner le sens du « tanebeer », rituel dansé des femmes des quartiers populaires de Dakar. Un chatoyant essai qui manque sa cible.
Au cours d’un très intéressant entretien avec Renan Benyamina, Fatou Cissé dévoile intelligemment les sources et les enjeux de sa création. Il y est principalement question de son désir de raconter des histoires, de sa passion pour les gestes du quotidien, de son amour pour la beauté des corps et des costumes. Elle souligne son engagement pour l’émancipation des femmes qui font des « manières » pour se libérer des tabous sexistes et sociaux. Elle aspire à rendre compte par la danse, sans cacher rivalités et violences, des contradictions difficiles à surmonter pour la condition féminine. Sa parole est claire, vive, impliquée, mais ne se veut pas revendicative au sens militant du terme. Soit. Qu’en est-il sur scène ?
Deux aires de jeu se partagent inégalement le plateau. Quelques interventions se font depuis la salle. Droit dans les yeux, de près ou de loin, le public est constamment sollicité. Volonté affichée de démonstration et d’empathie. À jardin, sol noir, espace plus réduit, sorte de sas de décompression ou de rupture pour les danseurs. On s’y entraîne, on y répète à l’infini des jeux de prise de pouvoir, on y reprend son souffle ou on y change de vêtement et de coiffure. À cour, un tapis gris clair, embelli par les rutilants éclairages signés Georges Lavaudant.
C’est là que la troupe donne le maximum de son énergie, notamment par d’incessants allers et retours du lointain au bord du plateau. Derrière elle et sur les côtés, accrochée ou jetée sur des portants, une avalanche de tenues flashy. Ce qui se passe dans cet espace plus grand progresse au rythme assourdissant d’une musique binaire vers la séquence majeure, et franchement interminable, d’une chorégraphie qui se moque gentiment des mannequins de mode en talons hauts.
L’impression d’être voyeur
Cela tient du défilé frénétique, mais pas agressif. L’impression s’installe d’être voyeur d’une soirée de night-clubbing, même si un gentil travesti, descendu parmi les spectateurs, tente modestement d’apporter un contrepoint à la déferlante des assauts érotiques des danseuses. Il faut le dire, on est réjoui par les corps, les couleurs et, une fois de plus, les lumières. Les danseuses se dépensent sans répit, avec toujours dans l’œil l’éclat vibrant d’un regard qui cherche à séduire. Mais s’infiltre graduellement la sensation que l’on est en présence d’une bande d’allumeuses.
On se prend aussi à s’alarmer que se déconstruise devant nous le discours exigeant de la chorégraphe Fatou Cissé. A-t-elle, elle également, été fascinée par la beauté de ses interprètes et par leur générosité magnifique ? Que lui est-il arrivé pour qu’en contradiction manifeste avec ses intentions émancipatrices un esprit de boîte de nuit corrompe son projet libertaire ? Fatou Cissé, comme bon nombre de ses collègues contemporains, souhaite déstructurer les corps, les mots et les gestes pour reconstruire. La chorégraphe du Bal du cercle y parvient par instants, mais au prix de mettre à mal le contenu de son travail.
On quitte le spectacle avec beaucoup d’amertume en s’accrochant au souvenir de l’ouverture du bal. Une danseuse apparaissait au milieu des spectateurs, lumineuse et chaleureuse, mêlant mots en langue française et en langue wolof, et souhaitait à tous la bienvenue. Ses mouvements et ses paroles étaient empreints d’humour et d’ironie. On avait envie de la suivre… Ce sera pour la prochaine fois. ¶
Michel Dieuaide
le Bal du cercle, de Fatou Cissé
Chorégraphie : Fatou Cissé
Avec : Fatou Cissé, Bamba Diagne, Alicia Gomis, Salamata Kobré, Rose Mendy, Marianna Traoré
Scénographie : Jean-Christophe Laquetin
Musique : Yvor Placa
Lumière : Georges Lavaudant
Costumes : Madeleine Sylla
Photo de Fatou Cissé : © Antoine Tempé
Production : Cie Fatou-Cissé, Interarts Lausanne
Coproduction : C.D.C. Toulouse / Midi-Pyrénées, Association Premier Temps
Avec le soutien de : Institut français dans le cadre du programme Aide à la création, Programme Pamoja, Groupe des États A.C.P., soutenu par l’Union européenne
Cloître des Carmes à Avignon
Les 16, 17, 18, 19, 21, 22, 23 juillet 2015 à 22 heures
Durée : 1 h 5
Festival d’Avignon : www.festival-avignon.com
Courriel : festival@festival-avignon.com
Réservations : +33 (0) 4 90 14 14 14 de 10 heures à 19 heures
Tarifs : de 28 € à 10 €
2 réponses
A cour ? A jardin ? Vous ne savez donc même pas utiliser les termes du théâtre à bon escient et vous vous propulsez critique ? Pour en plus balancer des avalanches de banalités qui prouvent surtout que vous seriez mieux dans une pièce bien franchouillarde qui correspondrait à votre culture gauloise bien étriquée. Vous n’avez rien compris à ce spectacle et ce que vous en dites le prouve tout au long de votre « critique ». Sans l’avoir vu, mais simplement en vous lisant, j’en conclus que ce spectacle vous a dépassé comme l’Afrique vous dépasse complètement. Sa culture, son théâtre, sa danse… Contentez-vous par conséquent de ce que vous être (peut-être capable) d’appréhender.
Signé : un ancien journaliste de théâtre/cinéma expatrié au Sénégal depuis suffisamment de temps pour en avoir perçu les codes artistiques…
Monsieur,
Étonnant pour un ancien critique de se permettre de parler d’un spectacle sans l’avoir vu. Quant à vos a priori sur ma supposée méconnaissance du théâtre et de l’Afrique, ils sont aussi gratuits que déplacés. Salutations.
Michel Dieuaide